Le gouvernement amplifie l'austérité dans les hôpitaux

Burn Out, Stress Travail et Santé

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Avec un objectif de dépenses « historiquement bas » pour 2016 et 2017, comme le relève le directeur de la Sécu en personne, l’hôpital est au régime sec, au point de provoquer la colère croissante des personnels, des médecins, mais aussi celle des directeurs. Une grève a lieu ce jeudi [25 juin 2015], à l’appel de la CGT, de FO et de SUD.

À quelle sauce sera mangé le système de soins français, au-delà de la grogne de l’AP-HP ? Le conflit qui oppose depuis de longues semaines Martin Hirsch et les hôpitaux parisiens est un épiphénomène, à la fois exemplaire et singulier. « Il y a, forcément, une forte politisation autour de Paris à cause de la personnalité de Martin Hirsch, de la proximité avec les décideurs, de la taille des hôpitaux dans la capitale et du nombre de patients, résume Frédéric Pierru, sociologue spécialiste des politiques de santé. Mais l’AP-HP donne néanmoins le « la » au niveau national. » Et la négociation parisienne révèle en creux le dilemme auquel font face aujourd’hui les directeurs d’hôpitaux français.
Chaque année, un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est défini. Charge ensuite aux hôpitaux de faire avec les moyens alloués. En 2015, la progression des dépenses de l’Ondam a été fixée à 2,1 % par la loi de finances. Déjà trop peu pour les personnels soignants. Une grève a précisément lieu ce jeudi 25 juin, à l’appel de la CGT, de FO et de SUD, pour protester contre « l’austérité » à l’hôpital, qui doit déjà composer avec 500 millions d’euros en moins.
Mais le pire est à venir. Pour les deux années à venir, l’Ondam devrait chuter à 1,75 %, ce qui suppose 2,2 milliards d’euros d’économies supplémentaires d’ici 2017. Or, spontanément, les dépenses de soin augmentent d’environ 4 % par année. La faute à la démographie, au coût des médicaments, aux progrès médicaux et techniques, etc. « À 4 %, on se maintient. À 2,5 %, c’est compliqué. Sous les 2 %, c’est impossible, assure Frédéric Pierru. Vous ne pouvez pas faire fonctionner un tel système avec ce chiffre, ça le fait forcément plonger. Quand on fait ça, on fabrique sciemment du déficit pour les hôpitaux. » Et si la Sécurité sociale emprunte à des taux généralement très bas, c’est loin d’être le cas des établissements de santé, qui commencent à trouver que la note est salée.
Selon une note que Mediapart s’est procurée, rédigée par le directeur de la Sécurité sociale et adressée début juin aux différents ministres concernés (santé, affaires sociales, finances), la Sécu tire également la sonnette d’alarme. La procédure, en soi, n’a rien d’anormal, mais le ton est donné : « Cet exercice rituel en cette période est affecté cette année par des contraintes inédites. L’objectif global, fixé à 1,75 %, est historiquement bas. » Plus loin, la note met en garde : « Ce débasage vient réduire de façon pérenne les recettes des établissements de santé, ce qui tend davantage leur situation financière et augmente le risque que les économies Ondam 2016 se traduisent par une hausse du déficit hospitalier. » Dans les ministères “sociaux”, on s’étonne d’ailleurs de cette orthodoxie budgétaire acharnée déployée par les socialistes… « Une gestion de curé » imposée pour répondre aux exigences bruxelloises en termes de stabilité budgétaire alors que, pendant des années, la droite ne s’est pas privée de faire largement exploser les compteurs.
Le texte ne s’arrête pas là. Des « dépassements » vont avoir lieu en 2015 (typiquement, une épidémie de grippe), qui « constitueront autant d’économies supplémentaires à trouver en 2016 ». « Il s’agit donc de durcir significativement la trajectoire », entre 2015 et 2017, « alors même que le respect de ce plan supposait déjà des efforts répétés jamais accomplis par le passé. » La perspective de ces nouvelles économies à venir fait frémir, bien au-delà des rangs de syndicats de salariés. « L’Ondam, ce n’est pas une extrapolation réelle de ce que va coûter un nombre d’actes définis, se plaint Michel Rosenblatt, secrétaire général du syndicat Syncass CFDT, qui regroupe cadres et directeurs des établissements sanitaires publics et privés. C’est un objectif à atteindre, que l’on ventile au doigt mouillé, pour tenter d’équilibrer les efforts. » L’ancien directeur des hospices civils de Lyon récuse cette « course sans fin », initiée sous Douste-Blazy, ministre de la santé en 2004 : « On fait la pirouette, en reportant sur l’année suivante les charges, en faisant du one shot et des économies de bouts de chandelle. Ce n’est pas possible de continuer ainsi. »

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