Tarik Chakor : «Beaucoup voient encore la santé au travail comme un coût»

Burn Out, Stress Travail et Santé

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Pour l’universitaire Tarik Chakor, la tendance est au renforcement de la réglementation depuis une quinzaine d’années.

Selon le code du travail, tout employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés. Y compris mentale. Dans la pratique, si le sujet s’est imposé dans les sphères politique et médiatique, l’engagement des entreprises reste inégal, selon Tarik Chakor, maître de conférences en sciences de gestion à l’université Savoie-Mont-Blanc et membre de la chaire Management et santé au travail de l’université Grenoble-Alpes.

Comment a évolué la réglementation en matière de santé au travail ?

Dans un premier temps, il était question de la santé physique des travailleurs. En 2002, a été introduite la notion de santé mentale. Globalement, la tendance est au renforcement de la réglementation, même si en 2015, il y a eu un infléchissement par la jurisprudence : d’une obligation de résultat des employeurs en matière de sécurité, on est passé à une obligation de moyens renforcée.

Les suicides ont-ils changé quelque chose chez France Télécom ?

Avec France Télécom, petit à petit, la santé au travail est devenue un sujet politique. Mais il y avait alors peu de communication. En 2009, le ministre du Travail, Xavier Darcos, a présenté un plan de lutte contre le stress au travail qui consistait à publier un classement des entreprises plus ou moins vertueuses, dans une logique de name and shame.Ça a duré moins de vingt-quatre heures ! On voit toute la tension autour de la question de la responsabilité des entreprises.

Quelle est la tendance aujourd’hui ?

Sur le plan législatif, il y a peu d’évolutions. On a du mal à agir autour de la santé au travail. Un exemple récent : le rendu du rapport de la députée LREM Charlotte Lecocq sur le sujet annoncé fin mars 2018, à été repoussé à plusieurs reprises et se fait encore attendre…

A l’époque on parlait de stress, aujourd’hui, de bonheur au travail…

Dans les années 1998-2000, le terme de «harcèlement moral» a émergé. Le «stress» est venu après, entre 2000 et 2007. Puis on a parlé de «risques psycho-sociaux», pouvant réduire le sujet à un phénomène individualisé, à la marge, issu de la sphère privée. Aujourd’hui, on utilise «qualité de vie au travail» et il y a des responsables du bonheur. Ce sont des effets de mode, mais aussi des stratégies, avec, parfois, une logique d’affichage. Mais les réalités sociales sont quasiment les mêmes.

Que font les entreprises pour prévenir les risques ?

Il y a trois types de prévention. La primaire est axée sur l’organisation du travail. Il peut s’agir de repenser la répartition des tâches ou la charge de travail. C’est la «vraie» prévention. La secondaire vise le renforcement des salariés, à mi-chemin entre le collectif et l’individuel. On y retrouve les outils de gestion du stress. En résumé, c’est faire au mieux avec l’activité de travail telle qu’elle est. Enfin, la tertiaire peut-être définie comme de la prévention curative. Un pur oxymore ! C’est un soin qui arrive a posteriori, une séance de relaxation ou une cellule psychologique. C’est bien dans des situations d’urgence ou à court terme. Mais, cela ne peut remplacer le reste. Or, dans les faits, les entreprises se bornent surtout à faire de la prévention secondaire et tertiaire, et peu de primaire.

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