Harcèlement chez France Télécom : après la direction, de nouveaux cadres mis en examen

Crimes Industriels, Stress Travail et Santé, Suicide Au Travail

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« Tu pars quand ? Tu pars quand ? » Cette question devenue rengaine a été le cauchemar de nombreux salariés de France Télécom entre 2006 et 2009. A l’époque, celle du plan stratégique Next (nouvelle expérience des Télécom) qui vise à réduire les coûts et surtout les effectifs, l’obsession de faire partir des salariés prime sur la vente de téléphones. Moins 22 000 en trois ans, exige Didier Lombard, le patron, sinon il fera les départs «par la fenêtre ou par la porte».

Sur les 110 000 salariés que compte alors l’entreprise, cela représente une personne sur cinq. Aucun service n’est épargné. Les chefs de service désignent des «volontaires» et les poussent dehors. Tous les moyens sont bons. La pression en fait craquer plus d’un. En trois ans, soixante personnes mettent fin à leurs jours.
En juillet 2012, France Télécom et ses trois principaux dirigeants – Didier Lombard, Louis-Pierre Wenes et Olivier Barberot – sont mis en examen pour «harcèlement moral». L’enquête est sur le point d’être bouclée, mais les juges Pascal Gand et Aurélie Reymond étendent les poursuites à quatre autres dirigeants dont le comportement a pu avoir un impact sur le calvaire subi par les salariés.
« Le mal banalisé »
Mardi 9 décembre, Nathalie Boulanger, ex-directrice des actions territoriales, a été mise en examen pour «complicité de harcèlement moral». Le lendemain, c’est au tour de l’ancien directeur territorial de l’est de la France, Jacques Moulin, d’être mis en examen pour les mêmes faits ; puis jeudi 11 de Guy-Patrick Chérouvrier, l’ancien DRH France. Vendredi 12 décembre, enfin, Brigitte Dumont, l’ex responsable du programme ACT – le «volet social» du plan Next -, devait être convoquée et s’expliquer sur la pression subie par les salariés. Ces auditions terminées, les magistrats devraient signifier la fin de l’instruction. Contactés à plusieurs reprises, les avocats du dossier n’ont pas répondu aux appels du Monde.
La mise en cause directe et personnelle des plus hauts dirigeants d’une entreprise du CAC 40 pour des faits de «harcèlement moral» est une première dans un dossier de santé publique en France. Elle est le reflet d’une époque, où dans un contexte de «guerre économique», au nom de la survie de l’entreprise, l’éthique et la morale sont laissées de côté et «le mal banalisé», explique le psychanalyste Christophe Dejours, spécialiste de la souffrance au travail. Chez France Télécom, là où la proportion de fonctionnaires (75 %) rend les licenciements quasi impossibles, le harcèlement psychologique est érigé en méthode.
Nathalie Boulanger est une femme «énergique, tenace, dotée d’une volonté d’aboutir, ce qui peut générer parfois des excès et des impacts collatéraux notamment dans des contextes difficiles», raconte Philippe Andres, un cadre dirigeant, dans l’épais dossier dont Le Monde a pris connaissance. Elle est selon lui «une figure emblématique du mode de gestion à la Louis-Pierre Wenes».
Entre 2006 et 2008, elle travaille sous les ordres du bras droit de Didier Lombard, réputé «brutal» et adepte de la théorie «se soumettre ou se démettre». Mme Boulanger n’a joué aucun rôle dans l’élaboration du plan Next, assure-t-elle. C’est elle, en revanche, qui réceptionnait chaque mois les tableaux de réduction d’effectifs. Guy-Patrick Chérouvrier en était également destinataire et assure un suivi régulier.
«Les sorties définitives du groupe ont toutes été faites sur la base du volontariat», insiste-t-elle auprès des enquêteurs. Est-ce pour cela que tous les lundis, en comité de direction, on organisait un «exercice managérial» pour apprendre à convaincre les «CFC [les plus de 55 ans] réfractaires» à partir ? Est-ce pour cela aussi que sont recrutés des consultants extérieurs pour «booster la mise en mouvement» des «salariés inactifs» ?
Lire la suite, («Climat de violence» ; «Rapport d’étonnement») sur le site du Monde

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