Protection fonctionnelle : le principe d’impartialité empêche l’autorité hiérarchique mise en cause de se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle de son agent

Dans la Loi, Stress Travail et Santé

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Via le site du Cabinet Seban & Associés

CE, 29 juin 2020, Monsieur D. B., n° 423996, publié au recueil

L’instruction d’une demande de protection fonctionnelle, lorsqu’elle est fondée sur des éléments mettant en cause directement l’autorité hiérarchique en charge de l’instruire, n’est pas sans poser de difficultés.

Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 29 juin dernier, tranché la question à l’aune du respect du principe d’impartialité.

Un praticien hospitalier avait présenté une demande de protection fonctionnelle à raison d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier. Cette demande avait été rejetée par le directeur du centre hospitalier lui-même, et l’agent avait alors demandé au Tribunal administratif de Sait Martin l’annulation de ce refus, lequel y a fait droit, en considérant que le principe d’impartialité prévu par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires aurait dû empêcher le directeur du centre hospitalier de statuer sur une telle demande.

Mais la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait ensuite annulé ce jugement, en jugeant que le principe d’impartialité ne s’appliquait pas à l’exercice du pouvoir hiérarchique. Le praticien a alors saisi le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil d’État a d’abord rappelé que le principe d’impartialité s’applique à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique, de sorte que la Cour a jugé à tort qu’il ne pouvait être invoqué dans ce cadre.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État rappelle que la protection fonctionnelle n’est en principe pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, sauf dans le cas où les actes reprochés sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

Or, c’est précisément au supérieur hiérarchique de l’agent le mettant en cause de statuer sur la demande de protection fonctionnelle. Le Conseil d’État a jugé cette situation contraire au principe d’impartialité dès lors que la demande était fondée sur des faits – une très vive altercation – insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

Il appartenait selon l’arrêt à l’Agence régionale de santé, en charge d’instruire les demandes de protection fonctionnelle émanant des personnels de direction des établissements publics de santé, d’instruire cette fois la demande présentée par le praticien hospitalier.

A suivre la logique de l’arrêt, il se pose donc par exemple dans les collectivités la question de l’échelon supérieur si la demande implique l’autorité territoriale, lequel pourrait être l’organe délibérant, lui-même compétent pour accorder la protection à l’élu.

Via le site du Cabinet Seban & Associés


Le commentaire de Maître Benoit Arvis, du réseau Souffrance & Travail

Cet arrêt est une excellente nouvelle pour deux raisons : 

– il confirme qu’un supérieur hiérarchique impliqué dans un conflit de service ne peut pas se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle de l’agent ; c’est la fin du conflit d’intérêts qui finissait généralement par un rejet de la demande de Protection Fonctionnelle… ; 

– il confirme que la protection fonctionnelle n’est pas seulement ouverte en cas de harcèlement moral, mais aussi en cas d’agissements hiérarchiques dépassant le cadre normal de l’exercice du pouvoir hiérarchique. 

On ne peut qu’être très agréablement surpris que le Conseil d’État soit ainsi allé au-delà de la lettre de l’article 11 de la loi du 13 Juillet 1983 qui ne prévoit que le « harcèlement moral » comme cas d’ouverture mais pas les « agissements dépassant l’exercice du pouvoir hiérarchique ».

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