Un texte de loi qui vise à déresponsabiliser les employeurs

Dans la Loi

Partager cet article :

Par le Collectif prévention AT-MP / 26 mai 2021

Pour les membres du Collectif prévention AT-MP, la proposition de loi en cours de discussion au Parlement sur la santé au travail a pour objectif d’alléger l’obligation de sécurité pesant sur les employeurs. Un projet qu’ils dénoncent dans cette tribune.

Regroupement de professionnels des services de prévention de l’Assurance maladie Risques professionnels, de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et d’autres structures de santé au travail, le Collectif prévention AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) a pour objectif d’informer les citoyens, notamment les travailleurs salariés, sur leurs droits en matière de santé et de sécurité dans le cadre de leur activité professionnelle. Et si besoin de les alerter, en cas de possible régression de ces droits.

A ce titre, nous avons souhaité réagir à la proposition de loi visant à « renforcer la prévention en santé au travail », en cours de discussion au Parlement. Nous avons pris l’initiative d’interpeller les parlementaires sur les insuffisances et dangers de ce texte de loi, qui reprend en grande partie les mesures d’un Accord national interprofessionnel (ANI), signé le 10 décembre 2020 par la quasi-totalité des partenaires sociaux. Son adoption en l’état pourrait en effet se traduire par un recul sans précédent des droits des travailleurs en matière de protection sociale, et de la jurisprudence associée, car il tend à organiser la déresponsabilisation de l’employeur concernant son obligation de sécurité et de protection de la santé de ses salariés.

Des intentions claires

Dans le texte d’orientation de la négociation de l’ANI, le gouvernement a affiché très tôt sa volonté de sécuriser les employeurs qui auraient pris de « bonne foi » des mesures de prévention, comme celle de voir se développer des dispositifs par branche professionnelle permettant eux aussi de « sécuriser juridiquement l’employeur ». Au cours de la négociation de l’ANI, les projets écrits du patronat ont été clairs également sur ses propres intentions en la matière :

  • L’accès de la médecine du travail au dossier médical partagé (DMP) du salarié devrait aboutir à mieux prendre en compte les facteurs de risques non liés au travail, en vue de relativiser le poids de ceux liés à l’environnement professionnel, et donc la responsabilité de l‘employeur ;
  • Le Code du travail devrait être modifié pour ne plus évoquer qu’une obligation de sécurité de moyens de l’employeur et non de résultat ;
  • L’employeur pour lequel le service de prévention et de santé au travail (SPST) aurait réalisé le travail d’évaluation des risques présents dans l’entreprise serait réputé avoir satisfait, là aussi « de bonne foi », à ses obligations en matière de sécurité au travail.

En définitive, la proposition de loi actuellement en discussion intègre certains de ces dispositifs dangereux : accès de la médecine du travail au DMP, implication plus grande des SPST dans l’élaboration de l’évaluation des risques pour le compte de l’employeur (ou dans celle de protocoles de prévention au niveau des branches). Les orientations sont donc bien les mêmes, mais ne sont plus exprimées aussi crûment.

Est-ce un pur hasard ? Le site internet du ministère du Travail indique d’ores et déjà que la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité est réduite à une obligation de moyens, et ce alors qu’aucune modification législative ou changement de jurisprudence n’ont été opérés sur le sujet. En parallèle, l’Assurance maladie Risques professionnels vient de publier un outil d’enquête sur les accidents de travail pour les TPE qui favorise la recherche d’une faute dans le comportement du salarié, en contradiction avec les principes généraux de prévention que promouvait jusqu’alors l’institution.

Lire la suite, « Des effets limités sur la prévention » et « Une occasion manquée« , sur le site www.sante-et-travail.fr

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.