"Cet employeur fait régner la panique"

Harcèlement Sexuel

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« Prends de la coke, tu seras moins coincée du cul », « tu vois, j’ai réussi à te faire craquer… » Aux prud’hommes, le récit du harcèlement subi par Nacima.

Paris, conseil des prud’hommes, section commerce, le 11 décembre 2018 à 13h10.

Le président est entouré d’une conseillère et de deux conseillers. Ce jour-là, à titre exceptionnel une équipe de tournage filme l’audience qui figurera dans un documentaire sur les prud’hommes. Au moment de l’appel, l’avocate de Nacima, Maude Beckers, accompagnée de l’AVFT [association européenne contre la violence faite aux femmes au travail, ndlr] comme partie intervenante, demande que soit entendue Marie Pezé, psychanalyste et responsable du réseau Souffrance et travail. Elle souligne l’importance des conclusions de la docteure en psychologie sur le rapport entre le travail et la dégradation de l’état de santé de sa cliente. Son contradicteur refuse cette intervention car il estime notamment que l’experte s’exprimera sur des faits qu’elle n’a pas pu personnellement constater. Le président précise que la décision sera rendue lorsque les parties seront appelées. L’audience se poursuit, d’autres affaires sont entendues et filmées.
15h55. Les parties sont appelées.
Le président : Le conseil a considéré qu’il n’y a pas lieu d’entendre le témoin [Marie Pezé] mais qu’elle peut rester dans la salle. Souhaitez-vous que le débat soit public ou à huis clos ?
L’avocate de Nacima : Public.
Le président : Vos demandes ?
L’avocate de Nacima : 1 865 euros de dommages et intérêts pour retard dans l’envoi des attestations destinées à la sécurité sociale, 15 000 euros pour harcèlement sexuel, 15 000 euros pour harcèlement moral, 15 000 euros pour non-respect de l’obligation de prévention et de sécurité, 3 731,52 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 373,15 euros de congés payés afférents, 22 389,12 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul et 3 500 euros d’article 700.
Le président : Madame est entrée comme esthéticienne en CDI dans cette entreprise le 2 décembre 2014 et le licenciement pour inaptitude s’est produit le 23 octobre 2017. La moyenne du salaire ?
L’avocate de Nacima : 1 865,76 euros sous la convention collective de la parfumerie.
L’avocat de l’employeur : 1 779,65 euros de moyenne de salaire pour moi.
Le président : Nous vous écoutons.
L’avocate de Nacima : J’ai l’habitude de plaider des harcèlements sexuels mais dans ce dossier, nous sommes à un degré de représailles sans pareil. Il y a des tentatives d’intimidation, de dénigrement de ma cliente, telles que je n’en ai jamais vu ailleurs. Ce qu’elle a subi est si effrayant qu’elle a fait une crise d’urticaire géant l’obligeant à être hospitalisée en urgence.
Seule avec un enfant de cinq ans, son emploi est extrêmement important, vital même. Dès la fin de sa période d’essai, en mars 2015, cela se passe mal avec le gérant qui lui fait des remarques à caractère sexuel. Il se rend même coupable d’une agression.
Nous présentons des éléments de faits qui laissent présumer une situation de harcèlement sexuel. Vous en avez trois dans le dossier : des témoignages indirects qu’on doit retenir car, par définition, un harcèlement se fait souvent à l’insu des autres salariés ; des démarches cohérentes avec un dépôt de plainte et des éléments médicaux.
Le président : Vous avez résumé l’état du droit, qu’avons-nous dans ce dossier ?
L’avocate de Nacima : Ma cliente subissait donc des comportements à caractère sexuel : « tu devrais porter plus de jupes, ça te va bien », ou bien « tu es bonne » ou encore « tu as un beau cul ». Il lui a aussi dit : « les Antillaises sont plus chaudes que les Arabes ». Et « un jour, je t’aurais ». 
En mars 2016, il l’a agressée sexuellement sur son lieu de travail en lui mettant les mains sur les fesses. Une collègue en a témoigné. Une autre dit qu’elle est en état de choc, qu’elle a énormément maigri. Confronté à ces faits, l’employeur reproche à ma cliente « son manque d’humour ». Un cauchemar pour elle. Ses propos obscènes ont persisté à chaque passage du gérant dans la boutique du Marais [à Paris, ndlr].
Le 5 mars 2016, il séquestre une de ses collègues afin de lui faire rédiger une lettre de démission. L’employeur demande à ma cliente de rédiger une fausse attestation visant à décrédibiliser sa collègue en indiquant qu’elle volait dans la caisse. Elle est finalement licenciée pour inaptitude. Ma cliente a refusé de céder aux pressions de son employeur, elle n’a pas rédigé cette attestation. C’est du harcèlement moral.
Le président : Sur les autres éléments de harcèlement moral ?
L’avocate de Nacima : À compter de cette période, les conditions de travail, très difficiles, se sont encore aggravées puisque son patron a adopté un comportement très menaçant et agressif. La dégradation de son état de santé est flagrante.
De plus, dans le cadre d’une enquête de la CPAM [caisse primaire d’assurance maladie, ndlr], la médecine du travail a confirmé avoir vu plusieurs salariées en situation de terreur. Cet employeur fait régner la panique.

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