La loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes modifie de manière substantielle les règles d’indemnisation des salarié.es licencié.es en raison d’un motif discriminatoire.
La loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, adoptée hier soir par le Parlement, contient des mesures de nature à dissuader les employeurs de procéder à des licenciements de salarié.es victimes de harcèlement sexuel ou de discriminations quel qu’en soit le motif.
Elle ajoute un article(1) dans le Code du travail disposant que « lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L.1132-1, L1153-2(2) et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l’indemnité prévue à l’article L.1234-9 ».
En clair : là où la jurisprudence de la Cour de cassation imposait qu’en cas de licenciement nul (ce que sont les licenciements discriminatoires), l’employeur devait être condamné à verser au/à la salarié.e discriminé.e une indemnité au moins égale aux salaires des six derniers mois(3), la loi crée désormais un « plancher d’indemnisation » qui équivaut à un an de salaire minimum.
Mais ce n’est pas tout : l’employeur devra également verser les salaires qu’aurait du percevoir le/la salarié.e, s’il/elle n’avait pas fait l’objet d’un licenciement discriminatoire, entre la rupture du contrat de travail et la décision de justice définitive. Le législateur tire ainsi les conséquences logiques de la nullité -le plus haut degré de protection prévu par le Code du travail- qui frappe les licenciements discriminatoires ; si le licenciement est déclaré nul (c’est-à-dire annulé), il est réputé n’avoir jamais eu lieu. Si le/la salarié.e ne demande pas sa réintégration dans l’entreprise, les salaires sont en cohérence dus jusqu’à cette date.
Ce raisonnement, que de rares juges adoptaient déjà(4) devient donc une prescription légale.
Enfin, à l’instar de ce que la loi prévoyait déjà en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juridictions sociales devront ordonner le remboursement par l’employeur fautif des indemnités chômage versées par Pôle Emploi(5) quand elles auront prononcé la nullité du licenciement(6).
Ainsi, le coût pour un employeur condamné pour avoir rompu le contrat de travail d’une salariée victime de harcèlement sexuel ou d’une discrimination devient-il significatif, et incitatif à mettre en place des politiques de tolérance zéro en matière de harcèlement sexuel et de discriminations.
Forte de son expérience d’intervention dans les procédures sociales aux côtés de victimes de harcèlement sexuel et constatant l’impact limité des condamnations d’employeurs sur le respect de leurs obligations légales de prévention et de réaction(7), l’AVFT avait revendiqué la mise en œuvre effective d’un principe « discriminateur = payeur » lors de ses auditions par les délégations aux droits des femmes des deux assemblées et la commission des lois du Sénat.
Sa traduction législative bénéficie donc aux victimes de harcèlement sexuel comme à toutes et tous les salarié.es victimes de discriminations et licenciés de ce fait. Elles et ils se verront désormais mieux indemnisé.es alors que la culture judiciaire française résiste encore à considérer la réparation intégrale du préjudice des victimes comme légitime.
Cette réforme, que l’AVFT s’emploiera à faire appliquer, n’aurait pu voir le jour sans la mobilisation de Catherine Coutelle (députée, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale)(8), Michèle Meunier (Sénatrice, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales)(9), Marie-Georges Buffet (députée)(10), le soutien du Défenseur Des Droits(11) et le dialogue régulier que nous avons pu avoir avec le ministère des droits des femmes.
Contact :
Marilyn Baldeck
06 09 42 80 21
Notes
1. L1235-3-1
2. Ne sont donc pas concerné.es les salarié.es visés à l’article L.1153-3 du Code du travail, qui ont « relaté » ou « témoigné » d’agissements de harcèlement sexuel.
3. Sans considération d’ancienneté ou d’un nombre minimum de salarié.es, comme en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
4. Voir, à propos d’une décision du Conseil de prud’hommes d’Orange, C/ Le Magueresse, Sur la nullité des mesures prises à l’encontre d’une salariée victime de harcèlement sexuel, Droit Social, 1998, P.437 à 441.,
5. Article L.1235-4 du Code du travail. Le remboursement est ordonné dans la limite de six mois de prise en charge.
6. Voir : Condamnation de l’employeur à rembourser Pôle Emploi en cas de harcèlement sexuel : un nécessaire pas de plus vers la responsabilisation des employeurs, M. Baldeck, janvier 2014.
7. Voir notamment : Procédures sociales en matière de harcèlement sexuel : Une voie de droit de plus en plus accessible pour les victimes, M. Baldeck, juillet 2013. Nous y qualifions les condamnations d’ »indolores » pour les employeurs.
8. Qui a déposé un amendement en 1ère lecture de l’Assemblée Nationale.
9. Qui a déposé un amendement en deuxième lecture du Sénat.
10. Qui a déposé l’amendement sur les rappels de salaires.
11. Pour l’amendement relatif au remboursement de Pôle Emploi.