A Metz, vies brisées et harcèlements en série au ministère de l’intérieur

Stress Travail et Santé, Suicide Au Travail

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Le secrétariat général de l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) de la région Est a déploré deux tentatives de suicide en juin et novembre dernier. Près de dix agents dénoncent le harcèlement moral de l’encadrement, tandis que le directeur de la logistique est accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes ayant travaillé sous ses ordres.

« Ils m’ont scalpé, dit Pierre*. Ils m’ont tout enlevé : la fierté, l’amour de mon travail… En novembre, j’ai pris deux bouteilles d’alcool et tout mon traitement, un mois et demi de médicaments, et je suis parti le long du canal de la Marne. » Pour en finir. Prévenus par sa femme, des policiers retrouvent Pierre inanimé à quelques mètres du cours d’eau, tombé dans le coma avant de plonger. Affecté à l’un des ateliers du ministère de l’intérieur de la région Est, le mécanicien avait alerté des représentants de la préfecture du harcèlement subi par ses collègues lors d’une réunion deux mois plus tôt. « Il est allé dans son casier, et leur a tendu un sac qui contenait une corde pour se pendre, raconte un collègue. “Voilà où il en est l’atelier”, il a dit. Il avait fabriqué un crochet pour attacher la corde au plafond, fait le nœud et tout. »

En juin, Yann*, un autre agent du ministère, tente de se défenestrer dans l’immense caserne Riberpray, dans les bureaux du secrétariat général de l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) de la région Est. « Il est entré dans le bureau, il a enjambé le radiateur pour sauter par la fenêtre, et ses collègues l’ont attrapé par la ceinture du pantalon », explique un collègue. Pierre a repris son poste, Yann est toujours en arrêt de travail, mais plus d’une dizaine d’agents dénoncent la brutalité et le harcèlement moral exercé contre eux par l’encadrement du SGAMI, la direction de la logistique, dont dépend l’atelier de Châlons-en-Champagne. Un mécanicien de cet atelier, Pascal Neveu, s’est déjà donné la mort en 2007.

Le directeur de la logistique, Daniel M., est en outre mis en cause par plusieurs employées pour des faits de harcèlement sexuel.
L’une des victimes, soutenue par l’Association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT), s’apprête à déposer une plainte avec constitution de partie civile pour relancer l’enquête visant le directeur. En janvier 2015, le procureur de Metz a en effet classé sans suite la procédure pour harcèlement sexuel, après les investigations de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Ces faits sont entre les mains de la justice administrative, deux employées ayant déposé des demandes d’indemnisation rejetées par le SGAMI.
En 2013, Cécile* est montée au dernier étage de la tour Sainte-Barbe, un immeuble de dix-neuf étages, dans le quartier des Îles de Metz, pour se jeter dans le vide. Redescendue pour laisser un message dans sa voiture, elle est interceptée par deux policiers. Le commissariat a été prévenu. Cécile est réadmise à l’hôpital où elle se trouvait cinq jours avant. Elle a aujourd’hui quitté le service, et la commission de réforme – instance consultative départementale –, amenée à statuer sur l’arrêt de travail de 96 jours qui s’est ensuivi, a reconnu le « caractère traumatique des conditions de travail qui furent les siennes » durant les années précédentes et la responsabilité de l’administration.

Mais le ministère de l’intérieur protège sa hiérarchie. Contacté par Médiapart, le nouveau préfet de la zone de défense Est arrivé en mars, Pierre Gaudin, dont les bureaux occupent l’une des ailes de la caserne Riberpray, tient à rappeler le classement par le parquet des dossiers de harcèlement sexuel. Il a en outre refusé la protection fonctionnelle à l’un des agents issu de l’atelier de Châlons-en-Champagne – une disposition qui prévoit entre autres l’ouverture d’une enquête sociale interne. « Je n’ai pas d’autre commentaire à faire, ce sera au juge administratif de trancher », a-t-il déclaré.

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* Les prénoms des agents ont été changés. Sollicité par Mediapart, le directeur de la logistique, Daniel M., n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Claude M., le chef d’antenne de Châlons-en-Champagne, a été joint par téléphone. Le préfet délégué, Pierre Gaudin, nous a répondu le 21 juillet. Le cabinet du ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve nous a indiqué que le ministre n’a pas été informé des faits évoqués dans notre article.

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