La santé mentale des soignants, victime collatérale du coronavirus

Stress Travail et Santé

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Soumis depuis le début de l’année à une surcharge de travail dans des conditions de stress intense, certains personnels soignants paient un lourd tribut psychologique et émotionnel à la crise du Covid-19. Ils s’exposent à un risque de stress post-traumatique dans les prochains mois.

Ils se sont battus en « première ligne » dans cette « guerre » déclarée contre l’épidémie. Ces « héros en blouses blanches », comme ils ont été surnommés, ne sont pourtant pas dotés de superpouvoirs. Dans ces conditions de travail difficiles, certains ont craqué, épuisés émotionnellement, tandis que d’autres ont tenu, malgré une fatigue qui s’accumule. Jusqu’à quand ?

Dans cette lutte contre le Covid-19, l’une des «victimes collatérales» pourrait bien être la santé mentale des soignants. « Quand on vous applaudit tous les soirs à 20 heures, ça peut être difficile de s’autoriser à craquer », avance le Dr Nathalie Prieto, psychiatre référente nationale des cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP). « On leur donne un statut de héros à double tranchant. Pour ceux qui ne vont pas trop mal ça aide, mais ceux qui doivent aller mal, ça retarde l’expression de leur souffrance ».

Pour la psychiatre, les personnels soignants au cœur des unités Covid, ont vécu des traumatismes qui commencent seulement à s’exprimer ou ne pourraient s’exprimer que dans plusieurs mois. Alors que de multiples plateformes d’écoute ont été mises place, les lignes « n’ont pas été surchargées » rapporte-t-elle, tandis que les équipes mobiles, qui sont allées à la rencontre des soignants, se sont révélées davantage adaptées.

« Quand on a la tête dans le guidon, c’est difficile de se rendre compte de ce qui se passe au niveau psychologique. Et surtout, s’avouer qu’on va mal, quand on est soignant, c’est très compliqué », analyse-t-elle. « Et comme toute maladie, plus c’est différé, plus c’est difficile à prendre en charge », s’inquiète la spécialiste.

de stress intense, certains personnels soignants paient un lourd tribut psychologique et émotionnel à la crise du Covid-19. Ils s’exposent à un risque de stress post-traumatique dans les prochains mois.

Des dizaines de morts dans un contexte « déshumanisé »

En plus de la surcharge de travail engendrée par l’épidémie, médecins, infirmières et aides-soignants ont dû s’habituer au stress et à l’anxiété générés par un environnement intense de maladie et de mort. « Je suis maintenant fatigué physiquement et psychologiquement », racontait en avril un infirmier dans « Les Echos », qui a pris conscience de cette fatigue après l’arrêt cardiaque d’un patient qu’il prenait en charge.

« Dans nos services, on connaît la mort », disait-il. Mais contre « quelques décès » avant l’épidémie, les services de soins intensifs en ont compté ensuite des dizaines par jour. Et les familles n’avaient pas l’autorisation de rendre visite à leurs proches mourants, ni ensuite d’organiser de cérémonie funéraire.

Malgré leurs efforts, les soignants « ont fait face à un taux de décès et à une manière de mourir totalement inhabituels, dans un contexte plus déshumanisé, sans la présence des familles pour les soulager sur la prise de décision », résume Xavier Noël, expert des questions de santé mentale à l’Université libre de Bruxelles interrogé par l’AFP.

La crainte d’être contaminé

Source de stress supplémentaire : la crainte d’être contaminé, pour soi et sa famille, et le stress suscité par les pénuries de matériel de protection comme les surblouses et les masques. « Je suis en colère ! On nous envoie au front sans armes. En ce moment, sept à dix soignants de l’hôpital sont contaminés chaque jour », s’insurgeait en mars une infectiologue dans « Les Echos ».

La surmédiatisation des difficultés rencontrées par les personnels soignants a également alimenté cette anxiété. Ainsi, même dans les hôpitaux où le stock était suffisant, « les personnels étaient stressés par un risque de pénurie », pointe le Pr Thomas Rimmelé, chef du service d’anesthésie-réanimation aux Hospices civils de Lyon. « Alors qu’on a jamais manqué de masques ! ».

Selon lui, c’est le manque de préparation face à cette maladie inconnue qui a généré le plus de panique. Contrairement aux hôpitaux du Grand-Est et de Paris, impactés les premiers, les hôpitaux lyonnais ont eu davantage de temps pour se préparer et s’organiser, ce qui a fait toute la différence. « On a augmenté nos capacités en lits et on a eu une très bonne collaboration avec une clinique privée de Lyon. Les équipes sentaient que tout était sous contrôle. Quand on se sent dépassé ça fait plus mal ».

Enfin, le confinement généralisé de longue durée n’a pas aidé. Difficile de décompresser, lorsque des rues vides et des rideaux baissés vous accueillent à la sortie du travail. « Quand on rentre chez soi, on se sent un peu isolés, en décalage. Et on entend parler de toutes les blagues sur le confinement, les gens qui disent qu’ils comptent des grains de riz pour s’occuper ! Alors que pour vous, ça n’arrête pas ».

Lire la suite, « Un interne sur trois présente des symptômes de stress post-traumatique », sur le site www.lesechos.fr/

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