L'enquête sur les suicides à France Telecom est close

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Cette enquête pourrait ouvrir la voie à la reconnaissance par la justice d’un harcèlement moral institutionnel. 35 salariés de l’entreprise se sont suicidés en 2008 et 2009.

Des juges viennent de clore l’enquête sur la vague de suicides à France Telecom, qui vaut à son ex-patron Didier Lombard et à l’entreprise d’être mis en examen pour harcèlement moral. Cette enquête est suivie de près par syndicats et spécialistes du droit du travail : elle est susceptible d’ouvrir la voie à la reconnaissance par la justice d’un harcèlement moral institutionnel, contrairement aux cas ordinaires où le lien est direct entre l’auteur présumé et sa victime.
Devenu Orange, France Telecom est la première entreprise du CAC 40 à avoir été mise en examen pour harcèlement moral. Selon les syndicats et la direction, 35 suicides de salariés de l’entreprise se sont produits en 2008 et 2009. Les plaignants y voient les conséquences d’un «système» mis en place pour pousser les salariés au départ dans un contexte d’ouverture à la concurrence. Une grande partie était des fonctionnaires qu’il était impossible de licencier. Selon son avocate Claudia Chemarin, Orange «conteste avec la plus grande fermeté avoir mis en place une politique de déstabilisation de ses salariés».
Engagée dans des restructurations après le passage de l’Etat sous les 50% dans le capital du groupe en 2004, l’entreprise avait supprimé 22 000 postes et procédé à 10 000 changements de métier entre 2006 et 2008. Le suicide en juillet 2009 d’un technicien marseillais, qui avait évoqué un «management par la terreur», avait donné un énorme retentissement à l’affaire, renforcé par plusieurs gestes similaires pendant le même été.
Outre Didier Lombard, d’autres anciens dirigeants ont été mis en examen en juillet 2012 pour harcèlement moral : le N.2 de l’époque Louis-Pierre Wenes et l’ex-directeur des ressources humaines, Olivier Barberot. Quatre cadres ont été mis en examen pour complicité de harcèlement moral.
«FRAGILISER PSYCHOLOGIQUEMENT LES SALARIÉS»
Didier Lombard, 72 ans, avait quitté la direction opérationnelle du groupe en mars 2010, fragilisé par la vague de suicides. Il avait été critiqué pour avoir demandé en septembre 2009 de mettre «un point d’arrêt à cette mode du suicide». Une «énorme bourde», concèdera-t-il.
Mobilité géographique forcée, incitations répétées au départ, changements de métier imposés, séminaires de formation pour les cadres, les méthodes utilisées par la direction ont été au coeur de l’enquête. Il s’agit d’«un harcèlement organisé au plus haut niveau de la direction, un harcèlement structurel, une stratégie», juge Me Jean-Paul Teissonnière, qui représente le syndicat SUD et des plaignants. «C’est un système. Ceux qui ont mis en place ce système doivent en répondre devant un tribunal correctionnel.»
En 2012, Didier Lombard s’était dit «conscient» que les bouleversements au sein de l’entreprise «ont pu provoquer des secousses ou des troubles». Mais il avait contesté «avec force que ces plans indispensables à la survie de l’entreprise aient pu être la cause des drames humains cités à l’appui des plaintes.» «Il y avait des tableaux qui circulaient parmi les cadres : on a fait tant de départs, il en reste tant à faire», raconte de son côté Yves, 62 ans, qui était cadre informatique dans le nord de la France. Il évoque «un mécanisme qui permet de cibler les gens et de regarder qui est susceptible de partir».
Dans un rapport de 2010, l’inspection du travail dénonçait «des méthodes de gestion du personnel qui ont eu pour effet de fragiliser psychologiquement les salariés et de porter atteinte à leur santé physique et mentale». La nouvelle direction du groupe, menée par Stéphane Richard, a depuis pacifié l’entreprise. Et en décembre 2012, une étude montrait que 81% de ses salariés étaient fiers d’y appartenir, contre 39% en 2009.
Les parties, à qui la fin de l’enquête a été notifiée le 30 décembre, peuvent désormais faire des demandes d’actes complémentaires, susceptibles de retarder la tenue d’un éventuel procès. Le parquet doit prendre ses réquisitions sur un éventuel renvoi en correctionnelle de tout ou partie des mis en examen, avant une décision des juges d’instruction.
Via Libération

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