Les salariés déclassés de Sanofi

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Exclusif. Soupçons de sous-notation forcée chez Sanofi. Des salariés seraient sous-évalués pour atteindre des quotas de mauvais collaborateurs fixés par la hiérarchie.

Aux États-Unis, où la pratique a été inventée, on appelle ça du « forced ranking », « ranking forcé » ou encore « sous-notation forcée ». Il s’agit d’une méthode d’évaluation qui classe les salariés dans différentes catégories. Rien d’illégal jusque-là. C’est quand cette méthode s’appuie sur des quotas pré-définis qu’elle est illicite : 20% des salariés doivent dépasser les objectifs, 70% les atteindre, et 10% doivent être dans la catégorie de ceux qui ne les atteignent pas. Charge aux managers d’atteindre ces quotas, quitte à mal noter des collaborateurs performants pour respecter le quota de salariés non-performants.
Au cours d’une enquête de plusieurs mois, nous avons découvert que cette pratique serait en place chez Sanofi Aventis Groupe, un des leaders du CAC 40. Une pratique pourtant condamnée en France par un arrêt de la cour de cassation en mars 2013.
Notre enquête repose sur les témoignages anonymes de nombreux cadres supérieurs de Sanofi. Ces cadres sont très attachés à leur entreprise, ne sont pas syndiqués et n’ont pas l’habitude de contester les consignes de leur hiérarchie. Après avoir longtemps hésité, ils ont décidé de parler sous le sceau de l’anonymat pour dénoncer une pratique qu’ils estiment injuste.

« On a dû sous-évaluer des collaborateurs qui ne le méritaient pas »

Tout commence en novembre 2015. Benoît (*), cadre supérieur très « corporate », reçoit, via son manager, une demande de quotas formulée par la direction :

« Dans un mail, Erik Verrijssen, le directeur de l’informatique Monde de Sanofi demande à ses collaborateurs directs d’identifier 10% de salariés non-performants. Mon manager me dit : « Benoît, il faut limiter les salariés très bien notés à entre 15 et 20% et atteindre le chiffre de 10% de salariés médiocres ». J’ai toujours répondu aux objectifs de mon patron. Alors, je demande aux managers de mon équipe de placer 10% de leurs collaborateurs dans la catégorie des salariés peu performants. »

Benoît comprend qu’il n’a pas le choix. Il doit coûte que coûte identifier le nombre de collaborateurs demandé :

« Nous les managers, on a dû identifier une dizaine de salariés. Mais pour ça, clairement, on a sous-évalué des collaborateurs qui ne le méritaient pas, et qui auraient mérité d’être dans la catégorie des collaborateurs à niveau. Il a fallu trouver des prétextes idiots et tendancieux, par exemple sur « leur résistance au changement », sur leur « manque d’adhésion aux valeurs de l’entreprise ». On a été trouver la petite citation négative de certains collègues sur eux, du genre : untel m’a dit qu’il avait mal répondu lors d’une réunion ».

« On vise à constituer des équipes performantes »

Un autre manager, Alexandre (*) confirme avoir reçu la même consigne :

« L’an dernier (fin 2015) il y avait eu une première tentative. Un premier message lié à l’arrivée du CIO Erik Verrijssen. Il fallait atteindre les mêmes 10% de mauvais éléments. Il m’avait été dit verbalement par mon manager de l’époque que je devais travailler sur ces évaluations, avec cette « calibration ». La raison, c’était : on a un changement de management, un changement d’état d’esprit, on vise à constituer des équipes performantes. Donc le message, on a une idée précise de la cible à atteindre. Mais ça n’a pas été mis en pratique parce que la RH s’y est opposée. »


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