« L’organisation du travail est devenue harcelante »

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Intensification du travail, explosion des outils numériques et standardisation des processus de production font prospérer les organisations harcelantes, explique l’avocate Rachel Saada, spécialisée en droit du travail et en protection sociale.

Y aura-t-il un avant et un après France Télécom ?

Certainement. Dans la représentation collective, France Télécom et Renault étaient des entreprises à la pointe du progrès. Renault était une sorte de laboratoire social où travaillaient des ouvriers et des ingénieurs fiers de fabriquer des voitures de qualité. France Télécom représentait l’innovation et était perçue comme un service public dans lequel le client restait un usager. Ce qui est intolérable, c’est que cela se soit produit dans des entreprises du secteur public, où sont censés œuvrer des serviteurs de l’Etat. D’un patron voyou et cupide, on n’espère peu ou rien, mais d’un patron du public, on attend qu’il ait une morale. Avec ces morts, on a assassiné l’espoir d’une entreprise respectueuse de l’être humain. La blessure est profonde pour tous.

Les pratiques de harcèlement moral ont-elles évolué ?

Oui, comme pour tout type de délinquance. Le délinquant patronal change avec son époque ! Le harcèlement évolue nécessairement : les connaissances sur le sujet se diffusent ; les directions sont plus habiles, plus averties, soutenues par des juristes compétents qui leur conseillent quelles précautions prendre. On ne placardise plus aussi abruptement et l’humiliation se raffine C’est désormais par son boulot qu’on est poursuivi. L’organisation du travail est devenue harcelante. Et vous n’avez pas le droit de la critiquer, toute expression étant vécue comme une trahison.

En quoi l’organisation du travail est-elle devenue harcelante ?

Le surmenage, le suicide et les tentatives de suicide prospèrent sur trois terreaux. Primo, la charge de travail s’accroît. A la fois la charge horaire – non déclarée, la plupart du temps – et la charge mentale, avec une densification des journées de travail, une obligation de polyvalence et des interruptions incessantes. Secundo, vous êtes obligé de rendre compte en permanence de vos actes. Les outils numériques ont mis le travail en coupe réglée. Tout est tracé, donc tout le monde est sur le qui-vive. Enfin, tous les processus de production sont standardisés, il faut suivre une procédure, subir des logiciels de gestion, remplir formulaire sur formulaire, tableau sur tableau, tous ces documents étant par ailleurs déconnectés du travail réel. Si bien que les salariés ont très peu d’autonomie, se sentent hypersurveillés, développent des peurs bien légitimes et ne peuvent pas mettre leur intelligence au service de leur travail.

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