Michel Debout : « Beaucoup de retard a été pris sur le sujet de la souffrance psychique »

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« Historiquement, toutes les grandes crises, économiques ou sociales, se sont traduites par une augmentation des suicides dans les années qui ont suivi », souligne le psychiatre.

Psychiatre et professeur émérite de médecine légale, Michel Debout est investi de longue date dans la prévention des suicides et des risques psychosociaux. Il est membre de l’Observatoire national du suicide.

En novembre 2020, après une enquête pour la Fondation Jean Jaurès montrant une augmentation des idées suicidaires après le premier confinement, vous aviez alerté sur une possible vague à venir de suicides. Comment évaluez-vous la situation aujourd’hui ?

S’agissant des pensées suicidaires, qui sont un bon indicateur de l’état psychique négatif d’une population, le niveau actuel de 9 % dans le suivi de Santé publique France est très préoccupant. Cela représente potentiellement des millions de personnes et derrière ces chiffres, il y a des passages à l’acte.

Globalement, beaucoup de retard a été pris sur le sujet de la souffrance psychique : ce n’est qu’à l’automne 2020 qu’il a été évoqué publiquement par le ministre de la santé [Olivier Véran] et le directeur général de la santé [Jérôme Salomon], alors que les dégâts d’une telle crise étaient prévisibles. Historiquement, toutes les grandes crises, économiques ou sociales, se sont traduites par une augmentation des suicides dans les années qui ont suivi.

Les tentatives de suicide chez les enfants et les jeunes semblent à la hausse. Leur détresse est-elle suffisamment prise en compte ?

Le premier confinement a été une période suspendue, où les gens se sont serré les coudes, mais l’élan de solidarité s’est dissipé et à la rentrée 2020, la France a été divisée entre ceux qui pouvaient reprendre leurs activités et ceux qui ne le pouvaient pas. Pour mieux prévenir les conséquences sur la santé mentale, il aurait fallu aller à la rencontre des publics vulnérables : les jeunes, mais aussi les personnes âgées isolées, les chômeurs, les professionnels de la restauration, du sport, de l’événementiel…

Pour les étudiants, la réponse ne peut se limiter à la gratuité d’un suivi psychologique, sans comprendre que des lieux de retrouvailles leur sont nécessaires. Récemment, on a appris que cinq internes en médecine étaient morts par suicide depuis janvier et je n’ai entendu aucune réaction du gouvernement. Ça me met d’autant plus en colère qu’en même temps, une enquête administrative et judiciaire a été déclenchée parce qu’une centaine d’internes avaient fait une fête au CHU de Toulouse. Une telle soirée répondait à un besoin d’individus au bord de l’épuisement professionnel et émotionnel.

Cet épuisement guette tous les soignants, mais aussi d’autres professionnels comme les policiers et les personnes sans emploi… L’incertitude est très fragilisante sur le plan psychologique.

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