Surveiller de trop près ses salariés peut-il conduire à une situation de harcèlement ?

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La frontière entre pouvoir de direction et volonté de contrôler ses salariés peut s’avérer ténue. Lorsque la surveillance du travail et la pression des objectifs est telle que les salariés les vivent comme du flicage, soyez vigilant ! Une telle situation peut-elle constituer un harcèlement ? La Cour de cassation a récemment répondu à cette question.

Les managers de mon entreprise ont tendance à suivre de près les salariés de leur équipe ainsi que la réalisation des objectifs. Certains salariés s’en plaignent et évoquent une situation de harcèlement moral. Une telle situation peut-elle s’apparenter à un harcèlement ?

Surveillance des salariés : définition du harcèlement moral

Rappelons tout d’abord que le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés susceptibles d’entraîner, pour la personne qui les subit, une dégradation de ses conditions de travail pouvant aboutir à une atteinte à ses droits et à sa dignité, une altération de sa santé physique ou mentale ou une menace pour son évolution professionnelle.

Surveiller de trop près l’activité et la réalisation des objectifs de ses salariés peut-il caractériser un harcèlement moral ?

La Cour de cassation a dû se prononcer sur cette question.

Surveillance des salariés : preuve du harcèlement

Dans l’affaire soumise à son appréciation, un salarié – superviseur dans un centre d’appel – a pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification en licenciement nul du fait d’un harcèlement moral.

A l’appui de sa demande, il invoquait :

  • la modification régulière des superviseurs et équipes ce qui créait un climat d’instabilité et de stress ;
  • la mutation des salariés entre différentes opérations, à titre de sanction ;
  • des écoutes permanentes des salariés par casque pendant leurs appels;
  • une notation constante par leur supérieur, sans explication sur la méthodologie appliquée ;
  • des convocations à des « briefs » s’apparentant en pratique à des entretiens disciplinaires d’où les salariés ressortaient régulièrement en pleurs ;
  • un chronométrage systématique des pauses et une interdiction de s’absenter pour aller aux toilettes, hors temps de pause, ou alors en restant connecté, impactant dès lors sur leurs statistiques d’appel et leur prime ;
  • des mises en absence injustifiée, y compris pour un retard de quelques minutes en raison d’un rendez-vous médical dûment justifié;
  • des critiques permanentes, injures et menaces de licenciement de la part des supérieurs ;
  • etc.

Il produisait de nombreuses attestations, auditions de salariés recueillies dans le cadre de plusieurs plaintes pénales et extraits de presse faisant état des méthodes de management générant une souffrance au travail ainsi que des documents médicaux concernant l’arrêt de travail dont il a fait l’objet et une tentative de suicide sur son lieu de travail.

La cour d’appel l’a débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral, retenant que les éléments apportés portaient sur des considérations trop générales concernant les méthodes de gestion du centre d’appel dirigé par la société et que les agissements de harcèlement moral collectif dénoncés ne s’étaient pas manifestés personnellement pour le salarié déterminé qui s’en prévalait.

La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la cour d’appel, relevant que plusieurs salariés témoignaient :

  • de pressions en matière d’objectifs, imposées aux directeurs de projets, aux responsables de projets, aux chargés de terrain, aux superviseurs et aux téléconseillers par une organisation très hiérarchisée du directeur de site et qui se traduisaient par une surveillance des prestations décrite comme du « flicage »,
  • d’une analyse de leurs prestations qu’ils ressentaient comme une souffrance au travail.

La Cour de cassation rappelle que le harcèlement moral est constitué lorsque le salarié rapporte des faits laissant supposer son existence et que l’employeur ne les justifie pas objectivement, ce qui était le cas dans cette affaire.

Il faut également retenir de cet arrêt qu’un salarié ne saurait être débouté de ses demandes personnelles au titre du harcèlement moral en cas de dénonciation d’un harcèlement moral collectif.

Soyez donc extrêmement attentif aux pratiques managériales au sein de votre entreprise. Si cette situation a tendance à se produire au sein de votre entreprise, faite la cesser au plus vite !

Cour de cassation, chambre sociale, 3 mars 2021, n° 19-24.232 (le harcèlement moral est constitué lorsque le salarié rapporte des faits laissant supposer son existence et que l’employeur ne les justifie pas objectivement)

Publié le 14/06/2021 par la rédaction des Éditions Tissot

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