France Télécom : le boomerang… Harcèlement moral ou criminologie d’entreprise ?

Suicide Au Travail

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Procès historique, procès colossal, procès-fleuve , procès symbolique , procès inédit le procès qui a débuté le 6 mai dernier au tribunal correctionnel de Paris parait mériter tous ces qualificatifs.

Une première juridique en effet incontestablement alors que la personne morale France Telecom et sept hauts dirigeants et cadres de l’entreprise sont jugés pour harcèlement moral et complicité durant 45 jours d’audience, 9 semaines durant par la 31ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Alors que soixante salariés de France Telecom ont mis fin à leurs jours entre 2007 et 2009, 39 professionnels sont reconnus comme victimes dont 19 ont mis fin à leurs jours entre 2007 et 2010, 12 ont tenté de se suicider et 8 ont présenté des dépressions profondes.
Face aux avocats de la défense, un ténor du barreau, référence absolue en droit du travail, Maître Jean-Paul Teyssonniere et son associée maître Sylvie Topaloff pour le Syndicat Sud, l’association ASD-Pro et cent parties civiles… Maître Teyssonniere a en charge les dossiers des victimes de l’amiante, maître Topaloff a déjà affronté Thales Alenia Space c’est dire …
C’est grâce au dépôt de la plainte de Patrick Ackermann, syndicaliste Sud Ptt et au rapport de l’Inspectrice du Travail Sylvie Catala que la machine juridique s’est ébranlée puis a effectué implacablement son travail face à la machine à broyer les êtres humains au nom du profit …
Dès les premiers jours du procès témoins et acteurs essentiels, experts reconnus du monde du travail sont appelés à la barre donnant aux audiences toute leur dimension de santé publique.
Le 10 mai le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours, les sociologues Christian Baudelot et Michel Gollac viennent tous trois témoigner des ravages de la déstructuration des collectifs, de l’aggravation du malaise social par le déni de l’entreprise ayant pourtant organisé le harcèlement moral à grande échelle. Christophe Dejours assène qu’un seul suicide survenu sur le lieu de travail aurait dû déclencher les moyens adéquats pour mettre fin à ces risques.
Le 20 mai le docteur Fraysse-Guiglini, médecin du travail actuellement retraitée ayant exercé dès 1994 à Grenoble, est restée à son poste par fidélité aux salariés témoigne du caractère inhumain des réorganisations conduisant 19 °/° des salariés de l’entreprise vers son bureau. Elle a refusé de se prêter aux réponses au numéro vert proposé par respect du secret médical. Ses alertes à la DRH sont restées totalement vaines.
Le 28 mai Sébastien Crozier à l’origine de la création de l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées dès 2007, encore éprouvé par les années noires parvient à évoquer la tragique journée du 11 septembre 2009 où il a été confronté à la défenestration de Stéphanie, âgée de 32 ans, puis à la révoltante indifférence des dirigeants. Face à ce témoignage le déni des hauts dirigeants qui jouent sur les mots , la défense de Didier Lombard prétendant comme Eichmann qu’un autre que lui aurait effectué le même travail paraissent bien légers…
Par ailleurs deux plaignants pourraient quasiment faire prendre conscience à eux seuls de la violence des méthodes utilisées par l’entreprise du CAC 40 pour obtenir 20000 départs et 10000 changements de postes.
Raphaël, aîné des quatre enfants de Rémy Louvradoux évoque une authentique criminologie d’entreprise chez France Telecom. Son père qui y travaillait depuis 1979 a mis fin à ses jours le 26 avril 2011 en s’immolant par le feu sur le parking d’une agence de Merignac où il avait travaillé sept ans… Il avait subi de nombreux changements de postes et ne disposait même pas d’un téléphone lors de sa dernière affectation à un poste de préventeur sécurité, hygiène et environnement… Dans le chapitre ‘’Souffrance et suicides ‘’ de son ouvrage ‘’Un CDD sinon rien ‘’Jacques Cotta évoque ce professionnel reconnu pour son attachement au collectif, son dévouement, sa serviabilité, sa gentillesse. Il avait donné l’alerte dès 2009… La reconnaissance d’un acte imputable au service a d’ores et déjà été obtenue. Le témoignage de Vincent Talaouit, ingénieur trentenaire brillant et passionnément investi chez France Telecom co-écrit avec le journaliste Bernard Nicolas ne peut plus laisser planer le moindre doute sur les manipulations machiavéliques auxquelles a eu recours l’entreprise, s’inspirant de la ‘’courbe du deuil’’ adaptée aux patients en fin de vie anticipant les phases de refus, résistance, dépression et… résignation. Six mois durant cet ingénieur résistera à des séances de déstabilisation hebdomadaires de deux heures de la DRH d’Orange Perspective visant à le faire douter de sa perception de la réalité. Mais le ‘’reformatage du disque dur’’ se heurte à sa passion pour le travail qu’il effectue au centre d’innovation alors même qu’il n’avait soi-disant plus de travail depuis 2004. Délibérément oublié lors du déménagement de son service il résistera de septembre à décembre 2007 au deuxième étage d’un immeuble désert. Vincent Talaouit évoque lui aussi un crime.

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