Quand le suicide du salarié constitue une faute inexcusable

Dans la Loi, Suicide Au Travail

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Dans un jugement du 29 mars 2021 (RG n°18/2345), le tribunal judiciaire de Lyon a jugé que le suicide d’un salarié, M. Eric S., était dû à la faute inexcusable de son employeur, la société RTE, filiale d’EDF. Cette décision offre l’occasion de rappeler les conséquences de la faute inexcusable et les obligations de l’employeur face aux risques psychosociaux.

1/ Les conséquences de la faute inexcusable

La faute inexcusable n’est pas définie par le Code de la sécurité sociale, et la jurisprudence en a progressivement dessiné les contours. 

Pour la Cour de cassation, le manquement à l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur présente le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. 2e civ. 13-12-2005 n° 05-12.284).

La faute inexcusable de l’employeur ouvre droit à une majoration de la rente ou du capital alloué à la victime, déterminée en fonction de la réduction de capacité dont elle est atteinte (CSS art. L. 452-2 ; Cass. 2e civ. 14-12-2004 n° 03-30.451).

En cas d’accident du travail suivi de mort, une majoration de leur rente est accordée aux ayants droit, sans pouvoir dépasser le montant du salaire annuel de la victime (CSS art. L. 452-2).

Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit, la victime a le droit de demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS art. L. 452-2).

Les ayants droit sont également fondés à solliciter de l’employeur la réparation de leur préjudice moral, qu’ils aient droit ou non à une rente (Cass. soc. 23-5-2002 n° 00-14.125).

Sur le plan pratique, les réparations dues au titre de la faute inexcusable sont versées aux bénéficiaires par la CPAM, à charge pour cette dernière de récupérer, auprès de l’employeur, le montant des réparations versé au titre des divers préjudices et le capital représentatif de la majoration de rente (Cass. 2e civ. 9-5-2019 n° 18-14.515).

Dans son jugement du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lyon (ex. tribunal des affaires de sécurité sociale) a classiquement statué dans les termes suivants :

  • Dit que l’accident du travail de Monsieur Eric S. du 9 octobre 2011 est dû à la faute inexcusable de son employeur ;
  • Ordonne la majoration à son taux maximum de la rente d’ayant droit versée, à Madame Sylvie S. [l’épouse] et des rentes versées à Marie et Guillaume S. [les enfants] ;
  • Déboute les consorts S. de leur demande de dommages intérêts au titre de l’action successorale ;
  • Fixe le préjudice moral de Madame Sylvie S. à la somme de 40 000 euros ;
  • Fixe le préjudice moral de Marie S. à la somme de 40 000 euros ;
  • Fixe le préjudice moral de Guillaume S. à la somme de 40 000 euros ;
  • Dit que la caisse fera l’avance de la majoration des rentes et des préjudices complémentaires et qu’elle récupérera les sommes ainsi versées auprès de l’employeur ;
  • Renvoie les consorts S. devant la caisse pour le paiement de leurs droits.

Ce jugement constitue une illustration pratique des conséquences financières encourues par l’employeur en cas de faute inexcusable. 

En l’espèce, son intérêt réside dans les motifs adoptés par le tribunal, qui interroge sur les obligations de l’employeur face aux risques psycho-sociaux, notamment pour prévenir les actes aussi dramatiques qu’un suicide.

Lire la suite, « 2/ Les obligations de l’employeur face aux risques psychosociaux« , sur le site www.juritravail.com

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