Suicides chez les policiers : «On traite les conséquences plutôt que les causes»

Suicide Au Travail

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Marc Loriol, sociologue et chercheur au CNRS, plaide pour une réorganisation du travail des policiers et une prise en charge psychologique différente.

Le chiffre est alarmant : 46 policiers se sont donné la mort depuis le début de l’année 2019. Cette vague de suicides chez les forces de l’ordre souligne depuis fin 2018 « des dysfonctionnements, des malaises ou des problèmes », selon Marc Loriol. Ce sociologue et chercheur au CNRS (IDHES Paris I) est spécialiste de la fatigue et du stress au travail, de la protection sociale et des professionnels de la santé. Il a notamment réalisé une étude sur les difficultés au travail chez les policiers.

Y a-t-il plus de suicides chez les policiers que dans le reste de la population ?

MARC LORIOL. Les policiers ont un taux de suicide légèrement supérieur à la moyenne de la population. On pourrait s’attendre à ce qu’il soit inférieur parce qu’ils sont une population active donc plus jeune, moins isolée et moins concernée par l’incertitude économique. Les suicides sont plus importants chez les hommes vers 50 ans et après 70 ans, chez les indépendants et les agriculteurs. Mais ce qui est significatif c’est la variation du taux de suicide. On voit depuis fin 2018, une augmentation du nombre de suicides de policiers qui est anormalement élevé. On peut en déduire qu’il y a des dysfonctionnements, des malaises ou des problèmes.

Comment l’expliquer ?

Les policiers font un travail difficile, ils sont en contact avec la violence et les dysfonctionnements sociaux. Cette difficulté est gérée le plus souvent grâce à la cohésion du groupe. Un groupe qui fonctionne bien entretient des liens sociaux, est capable de définir son rôle et son utilité sociale, il contrôle la façon dont chacun de ses membres agit. Si ce n’est pas le cas, il y a plus de risques que des policiers commettent des violences. Mais surtout cela peut affecter la conception qu’ils ont de leur travail. Ils peuvent avoir le sentiment que leurs tâches n’ont pas de sens ou qu’elles sont trop dures par rapport aux résultats.

Le contexte des manifestations des Gilets jaunes a-t-il pu jouer un rôle ?

Certainement. Il y a eu une forte désorganisation des commissariats qui peut perturber fortement le fonctionnement du groupe de travail. Les rythmes changent, les personnes ne sont plus avec leurs collègues habituels, et la spirale de violence crée une tension. Les policiers, remis en cause en tant que groupe, ressentent le besoin de soutenir leurs collègues agressés. Mais les gardiens de la paix sont souvent issus de milieux sociaux proches des Gilets jaunes et partagent des valeurs avec eux. Ces tensions et la perception de leur travail peuvent se traduire par un malaise et des troubles psychologiques.

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