Théologie du management – Infantilisation intellectuelle dans les écoles de commerce

Emploi et Chômage, Formation

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Pour convertir de studieux élèves de classe préparatoire et d’université en manageurs, les grandes écoles de commerce institutionnalisent un mépris pour la curiosité. Les étudiants perdent progressivement leur goût du savoir pour se plier aux injonctions de la vie de l’établissement. Délestés de leur souci scolaire, ils peuvent alors s’accommoder du « sérieux » du monde de l’entreprise.

Une fois diplômé, en 2016, de Grenoble École de management (GEM), une école de commerce française réputée, M. Étienne Badaroux, 25 ans, part faire le tour des Balkans avec des camarades de promotion à bord d’une vieille fourgonnette Peugeot, modèle J5. À son retour en France, après dix mois de voyage, le jeune homme a pris une décision irrévocable : « Je me suis dit que plus jamais je ne bosserais en costard de ma vie. » Depuis l’été 2017, il enchaîne les expériences en tant que barman. Et le zinc lui sied bien mieux que les bureaux qu’il a pu occuper au cours de ses expériences en entreprise.
Ce jeune homme dépeint un malaise existentiel qui dépasse le champ vestimentaire : « On nous a répété : “La prépa, c’est la voie royale.” Mais la voie royale vers quoi ? À quoi sert d’apprendre des théories d’économie et de philosophie pour ensuite passer sa vie à vendre un produit en comptant les centimes que l’on peut gagner sur chaque exemplaire ? Ça n’a pas de sens. »
Avant d’intégrer GEM, M. Badaroux est passé par une classe préparatoire aux grandes écoles de commerce — les fameuses prépas HEC, qui attirent environ vingt mille élèves chaque année, un chiffre stable depuis dix ans. Dans ces classes, les étudiants jonglent avec des concepts de philosophie, d’économie, de mathématiques, réfléchissent aux problèmes géopolitiques du Proche-Orient et dissertent sur les ressorts ontologiques du plaisir ou de l’espace. Bref, un lieu où le savoir universitaire est roi.
À l’issue de deux années marquées par une grande intensité de travail, ils passent un concours national. Selon leur classement et leurs vœux, ils sont admis dans l’une des vingt-six grandes écoles de commerce qui recrutent des étudiants à partir du niveau bac + 2. Ces prestigieux établissements forment les futurs cadres de l’économie et se distinguent des dizaines d’autres qui portent aussi le nom d’« écoles de commerce » ou d’« écoles de management » (appellation adoptée par les grandes écoles de commerce) mais n’offrent pas le même niveau de (…)

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