Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive

Femmes Au Travail

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L’histoire, telle qu’elle est enseignée, apprend rarement qu’au Moyen Âge les femmes exerçaient les mêmes métiers que les hommes… Une histoire de pouvoir ?

Au Moyen Âge, les femmes étaient artisanes, elles avaient leur place dans les corporations. Paysannes, elles produisaient dans les communs une agriculture vivrière. Elles étaient guérisseuses, accouchaient les parturientes et faisaient aussi « passer » les grossesses non désirées. Elles disposaient d’un savoir ancestral transmis de génération en génération. L’histoire omet aussi de rappeler que les paysan-nes d’alors vivaient en lien avec la Nature, instance supérieure à laquelle ils devaient respect et bienveillance.

La chasse aux sorcières qui débute alors et persécute les femmes durant deux siècles est historiée comme une période de superstition collective née dans l’Église qui, jetant son dévolu sur les femmes, brûle les impies. Pas si simple.

Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitiveAnalyser et comprendre l’histoire capitaliste
L’historienne et féministe Silvia Federici enquête longuement dans une vaste documentation très peu étudiée, avant de poser un tout autre postulat. Elle veut tracer les racines de l’exploitation des femmes dans la société capitaliste et le moment où leur subordination aux hommes est instaurée. Comprendre ce à quoi nous nous confrontons pour trouver des stratégies de lutte et faire en sorte que l’histoire de l’oppression des femmes arrête de se répéter.

À la théorie marxiste qui affirme l’accumulation primitive en tant que précurseure du capitalisme, Silvia Federici pose ladite accumulation comme caractéristique fondamentale d’un système nécessitant un apport permanent de capital exproprié. C’est à l’aune de cette hypothèse qu’elle remonte l’histoire, interpellée par la différence de statut des femmes dans la société féodale du Moyen Âge et celui qui leur est imposé dans les siècles qui s’ensuivent.

Au Moyen Âge, un peuple en lutte
Les 13e et 14e siècles sont pour l’historienne des temps de découverte politique forts. Les fabliaux rapportent des portraits de femmes combattives, exprimant leurs désirs, à mille lieues de l’iconographie suivante de femmes faibles, discrètes et soumises à l’autorité paternelle puis maritale.

Au Moyen Âge se développe le principe d’une société monétaire tournée vers le commerce et l’exportation de denrées. Dans une société rurale, agricole, dont les terres sont cultivées par la communauté — femmes et hommes dans les communs — le peuple est en lien et en lutte : refus de la taxation, de la mise à disposition des denrées…

À la fin du 14e siècle, la peste noire a mis à mal le pays qui connaît de sévères périodes de famine. Le poids des travaux forcés par les seigneurs diminue, les paysans reprennent du pouvoir. Cette période correspond aux débuts de l’hérésie sociale, fabriquée pour contrer les oppositions et assouvir le peuple revendicateur. Vaudois, Cathares…, celles et ceux qui critiquent le pouvoir religieux et monarchique, qui aspirent à une vie différente, autrement que par l’accumulation des richesses, qui refusent de se reproduire pour contrer le besoin d’une main-d’œuvre exploitée au profit des puissants, celles et ceux-là paieront le prix fort pour leur opposition, les femmes en particulier. Le pouvoir dénonce ces sectes, évoque des personnes envoûtées, des sorcières responsables : une période d’éradication peut commencer.

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