Comment le travail domestique maintient les femmes dans la précarité

Femmes Au Travail

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Initiée en 2018 au Canada, la très sérieuse – et encore méconnue – Journée mondiale du travail invisible (1) se donne pour objectif d’introduire dans le débat public, un sujet plus connu sous le nom de «travail non rémunéré».

Faire les courses, le ménage, le repassage, la cuisine, prendre soin des enfants… autant d’activités qui peuvent rentrer dans la définition. Les Françaises assument 72% de ces tâches strictement ménagères, auxquelles elles consacrent chaque jour 3h26, gratuitement, contre 2 heures pour ces messieurs.
Dans le monde, elles réalisent 2,6 fois de plus de travaux domestiques que les hommes (2). Véritable frein à l’émancipation, cette répartition inégale des travaux maintient les foyers les plus modestes dans la précarité et entretient les stéréotypes liés au genre, estimait l’Oxfam dans son rapport sur les travailleuses pauvres paru en décembre dernier.

Évaluées à 292 milliards d’euros

Organe vital de toutes les sociétés, le travail non rémunéré participe directement au bien-être de tous et indirectement à la dynamique économique, tout en compensant souvent le manque de dépenses publiques en infrastructures et services sociaux. Absent du calcul de la production nationale, il se chiffre pourtant en milliards d’euros. Pour l’année 2010, l’Insee évaluait la somme de ces activités à 60 milliards d’heures de travail par an. Valorisée au salaire minimum net et mesurée avec la définition la plus restreinte, la valeur du travail domestique contribuerait à une production nationale équivalente à 292 milliards d’euros, soit 15% du PIB de la France.
À l’échelle mondiale, l’Oxfam évalue aujourd’hui cette production à 10.000 milliards de dollars, soit 43 fois le chiffre d’affaires d’Apple. Un chiffre astronomique qui permet à l’ONG «de sortir des discours habituels sur les inégalités femmes-hommes», analyse Pauline Leclère, responsable de campagne Justice fiscale et inégalités à l’Oxfam. Déclarée «grande cause nationale» par Emmanuel Macron en 2017, l’égalité femmes-hommes passe, entre autres, par une meilleure répartition des tâches domestiques, notamment au sein des foyers les plus modestes. En effet, ce temps incompressible consacré aux besoins domestiques prive les plus fragiles du temps nécessaire «pour générer des sources de revenus supplémentaires ou pour se former afin d’obtenir un travail mieux rémunéré», explique Pauline Leclère. Or selon l’ONU, 30% des inégalités salariales sont le résultat des inégalités au sein du foyer.

Les femmes basculent dans la pauvreté

Horaires décalés, emplois sous-qualifiés donc mal payés, cumul de «petits boulots» : en France, les femmes occupent 82% des emplois à temps partiel. Une précarité entretenue par la nécessité de gérer de front enfants-maison-travail. «Bien sûr en France, nous bénéficions de services publics et sociaux qui assurent un filet de sécurité mais on constate que de plus en plus de femmes basculent dans la pauvreté. Dans notre rapport nous avons évalué a un million le nombre de travailleuses pauvres qui élèvent seules leurs enfants», argumente Pauline Leclère.
Pour ces mères qui vivent souvent loin de leur lieu de travail, les infrastructures liées au transport et «les services publics sont indispensables, notamment les crèches et les systèmes de garde d’enfants. C’est la seule solution pour ces femmes de se former, d’accéder à l’indépendance, à des postes mieux rémunérés», estime Pauline Leclère. Pour faire évoluer les mentalités, l’Oxfam mise sur l’allongement du congé paternité et préconise de multiplier sa durée par deux en le portant à 22 jours calendaires, puis à terme à 42 jours. «L’exemple des pays nordiques montrent qu’une législation plus contraignante force les entreprises et les salariés à s’organiser et les choses évoluent. Ça ne doit plus être aux femmes uniquement d’interrompre leur carrière.»

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