Les influences nazies du management moderne

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L’historien Johann Chapoutot publie « Libres d’obéir : le management, du nazisme à la RFA » chez Gallimard, dans lequel il explore les techniques de management du régime nazi.

Le management, du nazisme à la mondialisation, ou l’art de produire le consentement et l’illusion d’autonomie chez des sujets aliénés. S’il ne dresse pas un réquisitoire contre le management et s’il ne dit pas non plus qu’il s’agit d’une invention du IIIe Reich, Johann Chapoutot, notre invité, souligne une continuité entre les techniques d’organisation du régime nazi et celles que l’on retrouve aujourd’hui au sein de l’entreprise, en atteste la condamnation récente de l’entreprise France Télécom et de ses trois ex-dirigeants pour « harcèlement moral institutionnel ».

Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne, et après s’être intéressé au régime nazi dans des ouvrages comme Histoire de l’Allemagne (de 1806 à nos jours), paru aux PUF (Que sais-je) en 2014 ou La Révolution culturelle nazie (Gallimard, 2016), il revient avec Libres d’obéir : le management, du nazisme à la RFA (Gallimard, 2020), où il s’intéresse en particulier aux méthodes de la Menschenführung, qui traduit et germanise le terme américain de management.

Une organisation optimale de la force du travail

Car, montre-t-il, l’Allemagne du IIIème Reich est le lieu d’une économie complexe où des ingénieurs, juristes, intellectuels  formés par les universités de la république de Weimar et courtisés par les nazis réfléchissent à l’organisation optimale de la force du travail. Le IIIe Reich devient ainsi un moment « matrice » (p.16) de la théorie et de la pratique du management pour l’après-guerre. 

Il faut penser la transformation de l’administration, car en matière économique, il faut produire dans des quantités inédites et inouïes dans l’histoire allemande. (Johann Chapoutot)

Après 1945, les historiens prennent ainsi conscience que le crime de masse a été une industrie basée sur des méthodes d’organisation et de logistique ayant rendu possible une série de crimes que l’on attribuerait plutôt à la barbarie. C’est là la preuve de la contemporanéité du nazisme, ces crimes traduisant des projets politiques et économiques rationnels décidés par des technocrates ou des managers.

Les nazis ont très bien compris que pour produire dans des quantités inédites dans l’histoire, il fallait motiver le « matériau humain » ; que l’on appelle aujourd’hui la « ressource humaine », le facteur de production qui était le facteur travail. (Johann Chapoutot)

Surtout, Johann Chapoutot souligne un paradoxe : une conception du travail non autoritaire mis en place par un régime illibéral, où employé et ouvrier consentent à leur sort dans un espace de liberté et d’autonomie construits autour de l’imaginaire de la « liberté germanique », un vieux topos entretenu par le Reich pour justifier ce fonctionnement et cette organisation du travail « par la joie » (durch freude). Animés par des politiques sociales et un fonctionnement d’entreprise favorisant le plaisir et le loisir, « l’heure, nous dit Johann Chapoutot, n’est pas encore aux baby-foot, aux cours de yoga ni aux _Chief Happiness Officers_, mais le principe et l’esprit sont bien les mêmes »

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