Les managers parlent souvent pour ne rien dire

08 mai 2014 | Revue de Presse

Les dirigeants démotivent leurs collaborateurs en pratiquant un jargon qui oublie les vrais enjeux de l’entreprise.

Parler de valeur, de qualité, de service peut être le signe d’un grand vide managérial, constate le professeur André Spicer, qui enseigne à la Cass Business School, dans un article intitulé, «Shooting the shit: the role of bullshit in organisations» («Éliminer les discours nébuleux: la pratique du blabla dans les organisations»).
Brisant les tabous, André Spicer observe que «la vie d’une organisation repose en grande partie sur la création, la circulation et l’utilisation de paroles et de textes, dont la majorité ne sont aujourd’hui que du “bullshit”. Par-là, j’entends qu’une grande part de ce qui est écrit et dit dans le cadre de l’entreprise n’a que peu de rapport avec la vérité.» Refusant la langue de bois, le professeur affirme que les managers et les dirigeants pratiquent également «un discours nébuleux pour éluder l’absurdité de la vie dans un lieu de travail dénué d’importance». Cela leur permet aussi de justifier leur fonction et de masquer une absence de stratégie originale.
Car les mots employés sont des mots caméléons. Ils permettent aux personnes qui les écoutent de comprendre ce qu’elles ont envie de comprendre. Sophistiqué, le blabla ne s’improvise pas. Il est souvent mis en musique par des consultants et des experts qui sentent l’air du temps ou imposent des idées qui deviennent tellement à la mode que personne n’ose les combattre par peur de passer pour un esprit dépassé.

Des entreprises fragilisées

Cette pratique peut avoir des conséquences très négatives. L’enseignant à la Cass Business School assure qu’un discours nébuleux détourne le personnel des efforts qui lui permettent de bien accomplir son travail. Parler pour ne rien dire est également mal perçu par les clients et les investisseurs. «Les organisations engluées dans le blabla deviennent par voie de conséquence de plus en plus fragiles et instables et risquent de voler en éclats à la moindre modification de l’environnement», analyse André Spicer.
Mais le blabla utilisé avec parcimonie peut être parfois bénéfique. Les collaborateurs d’une grande agence de conseil en gestion l’utilisent pour impressionner leurs clients. «Des doses de blabla aident les cadres intermédiaires anxieux à pratiquer la duperie et à se convaincre eux-mêmes qu’ils sont des employés utiles et précieux pour l’entreprise», affirme André Spicer.
Afin d’éviter aux entreprises de sombrer dans le «bullshit», le professeur de la Cass Business School propose plusieurs pistes. Il fait sien le principe du poète Boileau, qui écrit dans L’Art poétique, datant de 1674: «Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément.» Concrètement, un manager doit s’exprimer simplement. Il recommande également de pousser dans ses retranchements la personne qui pratique les discours nébuleux en lui demandant d’«argumenter contre l’idée qu’elle vient d’avancer».
Retrouver l’article sur le site du Figaro.

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