Un film de Antoine Russbach, avec Olivier Gourmet.
Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Frank consacre sa vie au travail. Alors qu’il doit faire face à une situation de crise à bord d’un cargo, Frank, prend – seul et dans l’urgence – une décision qui lui coûte son poste. Profondément ébranlé, trahi par un système auquel il a tout donné, le voilà contraint de remettre toute sa vie en question.
Extraits du dossier de presse consultable ici >>
Votre film fait un va-et-vient constant entre le concret et l’abstrait, entre l’individuel et le collectif…
Tout l’enjeu du film est de parvenir à montrer ce rapport entre l’individu et le collectif de façon complexe et non idéologique. Les films sociaux induisent la plupart du temps une aliénation de l’individu par la société, dans la continuité d’une vision marxiste de la domination. Dans CEUX QUI TRAVAILLENT, l’individu est responsable de ses actes et de son devenir. C’est tout l’intérêt de faire un film social du point de vue de la classe dominante et dans un pays riche, la Suisse, où le chômage est de 3 % et baisse chaque année. Cela permet de questionner le modèle dans lequel nous vivons. Mon coscénariste a lu un livre des années 1980 sur l’idéologie des cols blancs. En substance, il y est expliqué que le travailleur en col bleu est aliéné par son contremaître dans un rapport de domination très clair ; et que le système fait croire, en revanche, au col blanc qu’il est son propre chef, ce qui est une illusion. Le col blanc serait donc auto-aliéné. C’est dans cette idéologie-là que s’inscrit le personnage de Frank. Je ne voulais pas faire un film qui fustige le système et le déclare responsable de l’aliénation des travailleurs, ni un film qui pointe du doigt des grands cyniques qui ruinent le monde, car tout cela aurait finit par rassurer le spectateur dans une vision dogmatique du problème. Or nous sommes dans un système construit par des individus et nos défaillances morales s’y reflètent peut-être. Le film questionne plutôt la nature humaine et son impact dans les systèmes que nous construisons. Il vise à faire réfléchir le spectateur à son rôle, sa place et sa responsabilité dans cette société, à lui ouvrir les yeux.
Votre film met en lumière les aberrations de notre système capitaliste, mais à aucun moment, il exprime l’idée qu’il faille l’éliminer…
CEUX QUI TRAVAILLENT n’est pas un film pro-capitaliste ni un film totalement anticapitalisme : il nous fait remarquer que ce système est aussi celui qui nourrit en grande partie le monde occidental. Si ce système était éliminé, nous devrions revoir complètement nos habitudes de consommateurs. Il est plutôt question ici de coresponsabilité. Le film nous met face à notre hypocrisie. Si nous avons appelé notre personnage central Frank, c’est en référence au monstre de Frankenstein(un roman qui a été écrit à Genève !). Frank est un peu la créature que nous avons fabriquée, que l’on désigne facilement en la condamnant, mais ce qu’elle fait nous arrange tous. Cette hypocrisie est très violente. Nous sommes volontairement aveugles. Les gens de droite qui disent que le monde va s’autoréguler me font tout aussi peur que les gens de gauche qui veulent sauver le monde en détruisant le système, mais qui ont un téléphone dans leur poche dont le contexte de fabrication est plus que contestable. Si le film s’attache à quelque chose, c’est à notre aveuglement volontaire. Il dévoile que nous sommes tous complices du crime qu’a commis Frank.
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