« On a normalisé la surcharge de travail » : des employés de Pôle emploi témoignent de leur souffrance

09 février 2020 | Stress Travail et Santé, Suicide Au Travail

L’opérateur public est visé par une information judiciaire depuis 2014. S’il n’a pas souhaité réagir, un livre intitulé « Pôle emploi. La face cachée. Enquête sur la souffrance des agents » lève le voile sur les conditions de travail des 50 000 agents et cadres supérieurs.

A Pôle emploi, la souffrance est des deux côtés du guichet. Depuis le 15 juillet 2014, l’opérateur public est visé par une information judiciaire pour « harcèlement moral, mise en danger délibérée de la personne d’autrui, non-assistance à personne en danger, homicide involontaire et conditions de travail contraires à la dignité de la personne ».

L’information judiciaire fait suite à une plainte déposée par les parents d’Aurore Moësan. Cette conseillère, qui a travaillé dans plusieurs agences Pôle emploi de Saine-Saint-Denis, s’est pendue à son domicile le 27 octobre 2012, à 32 ans. Longue d’une vingtaine de pages, la plainte évoque plus de 17 suicides qui auraient une origine professionnelle entre 2009 et 2014. Dans Pôle emploi. La face cachée (Editions de l’Atelier, 2019), Margaux Duguet, Catherine Fournier et Valentine Pasquesoone, journalistes de Franceinfo.fr, lèvent le voile sur la situation des quelque 50 000 agents et cadres supérieurs de Pôle emploi.

Depuis la naissance de Pôle emploi, le portefeuille des agents chargés de l’accompagnement ne cesse de grossir. A la fin de l’année 2018, un conseiller aidait en moyenne trois cent quarante-neuf demandeurs d’emploi en « modalité suivi ». Un chiffre en hausse de près de 10 % en à peine deux ans. « On a normalisé la surcharge de travail. Quand tu fais beaucoup, tu dois faire encore plus », relate un conseiller. Ils sont quarante-cinq à s’exprimer sur leurs conditions de travail dans l’ouvrage.

Ils évoquent tantôt le burn-out, conséquence de cette surcharge de travail, mais également dans le phénomène inverse, celui du bore-out, cet ennui profond qui se transforme en souffrance au travail. « Car si certains sont submergés, d’autres se sentent placardisés, mis à l’écart de Pôle emploi. Marc-Antoine, chargé de mission, raconte s’être vu conseiller par la médecine du travail d’amener “un bouquin ou du tricot” au bureau, tant il manque au quotidien de tâches à faire. »

Surveillance

Le livre décrit également les mécanismes de surveillance mis en place pour mesurer l’efficacité des agents. « Retenez que la politique du chiffre reste le leitmotiv de Pôle emploi ! Voilà l’essentiel de notre mission : obtenir de bons indicateurs à tout prix ! », confie une conseillère.

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