Les étudiants en soins infirmiers n’ont pas été épargnés durant la crise sanitaire. Fortement mobilisés alors qu’ils étaient encore en formation, ils ont vécu des situations éprouvantes à bien des titres, souvent isolés dans le feu de l’action, anxieux d’être infectés et de transmettre le virus à leurs proches.
Envoyés « au front », mal protégés face au virus, parfois aussi en exercice illégal de la profession d’infirmier, sans parler du manque de valorisation financière, la souffrance a alors été au rendez-vous. Souffrance physique face à des conditions de travail très éprouvantes, souffrance psychologique devant des patients très sévèrement touchés et des décès « à la chaîne ». Pour rendre compte de cet engagement et du lourd tribut payé par les ESI, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) publie les résultats d’une enquête intitulée « Crise du Covid-19 : pas de retour à la « normale » ! »
Si la crise sanitaire, autant inédite qu’aiguë connue au printemps dernier est terminée, les blessures et autres stigmates qui en résultent chez le corps soignant sont, elles, encore bien présentes comme un rappel de ce qui a été et qui ne devrait plus l’être. Les étudiants en soins infirmiers l’ont eux aussi vécu dans leur chair et nous en avons largement témoigné tout au long de ces mois de peine. La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) apporte aujourd’hui une large contribution à l’analyse de la crise du Covid-19 en publiant les résultats d’une enquête minutieuse menée en ligne au sein de la communauté étudiante (ESI et étudiants infirmiers en pratique avancée EIPA)*.
La Fnesi rappelle en préambule son engagement de longue date à défendre les intérêts matériels et moraux des ESI. Elle souligne aussi comment, dans un esprit de solidarité nationale, elle a appelé, dès le 15 mars 2020, l’ensemble des ESI et des EIPA à soutenir, en toute sécurité, les professionnels de santé en mettant leurs compétences et leurs savoirs au profit de la population et des patients. Pour la Fnesi, si de nombreuses adaptations à cette situation inédite ont vu le jour, certaines avec succès, le constat reste irrévocable : la crise de la COVID19 a fortement impacté les étudiants en formation et leur mobilisation n’a pas été sans sacrifices : discontinuité pédagogique, insécurité au travail et durant les stages, sentiment d’abandon, manque de considération et de reconnaissance. Un panel de dérives et de facteurs qui illustrent, une fois encore, le manque de considération des étudiants en sciences infirmières par les ministères de tutelles.
Tantôt ESI, tantôt IDE, tantôt AS : une pression psychologique énorme, une fatigue mentale et physique jamais ressentie en stage avant le COVID19. Il faut que je tienne, un stress permanent, de l’adrénaline à en perdre le sommeil. Je n’arrive plus à manger, je suis dans l’incertitude constante et pour couronner le tout, je n’ai pas de tuteur. Mathilde ESI L2
Des étudiants infirmiers massivement mobilisés face aux besoins sanitaires
85,2% des étudiants en soins infirmiers et en pratique avancée se sont en effet mobilisés dans les établissements de santé, soit 81 000 étudiants engagés auprès des patients pour assurer la continuité des soins en soutien aux professionnels de santé. Les étudiants en sciences infirmières incarnent ainsi la filière la plus mobilisée durant cette crise sanitaire exceptionnelle. Sur les 95 000 ESI & EIPA, ce sont 68,5% d’entre eux qui ont été impliqués sous couvert d’un stage, 9,3% sous forme de vacations, 7,7% rappelés par leur employeur et 14,5% restés confinés chez eux eux.
En termes d’affectations, plus d’un quart de ces étudiants ont été mobilisés en unités Covid, services de réanimation, soins intensifs ou d’urgences et près d’un tiers affectés en Ehpad, au plus près du risque de contamination. La Fnesi le rappelle, du 16 mars au 21 juin 2020, 65 000 étudiants en sciences infirmières ont été en stage, soit 18 000 de plus par rapport aux effectifs habituels ; une affectation démesurée en stage due au manque d’effectifs, poussant les établissements de santé à utiliser les ESI & EIPA. Ainsi, 40 000 étudiants ont subi un allongement ou une modification de leur période de stage dont près de la moitié est due à des besoins en personnel.
La Fnesi déplore que les deux notes d’instruction ministérielle1, 2 essentielles pour cadrer les modalités d’implication des étudiants, aient été publiées trop tardivement, 5 et 15 jours après le début de la fermeture des IFSI. Les responsables des centres hospitaliers ont pu ainsi abuser de leur autorité envers les étudiants, les réquisitionnant alors qu’aucune mesure préfectorale obligatoire n’ait été entamée.
On a reçu des menaces de l’Ifsi : « lundi vous êtes réquisionnés, si vous ne répondez pas, cela sera compté comme un arrêt dez formation ». Louise ESI L2
Pour la Fnesi, il est clair que les étudiants en sciences infirmières ont été clairement « utilisés » comme remplaçants et ce, sous le couvert d’un stage. « Masquer ces mobilisations comme étant des stages a permis aux établissements de santé de réaliser des économies considérables. Sous le prétexte de devoir assurer la continuité de formation, 33,7% des ESI en stage ont fait fonction d’Aide-Soignante (AS) et 50,3% des EIPA en stage ont été affectés sur des postes d’Infirmiers Diplômés d’État (IDE). »
Plus grave, 5% des ESI en stage ont été placés sur des postes infirmiers, soit près de 4 800 étudiants en situation d’exercice illégal de la profession infirmière.
« Quelle que soit la situation épidémique du pays, la Fnesi demeure fermement opposée à ce qu’un ESI puisse, de manière dérogatoire ou non, exercer le métier infirmier en toute autonomie sans diplôme : aucun semestre de formation ne doit être sacrifié ! Il en va de la sécurité du / de la patient.e tout au long de son parcours de soins, engageant la responsabilité de l’étudiant et du professionnel l’encadrant. »
Les ESI & EIPA doivent conserver leur statut d’étudiants en formation et ne pas endosser la totalité des responsabilités du métier sans jouir de garde-fou. Pour ce faire, la FNESI « demande que soit rédigée par le Ministère des Solidarités et de la Santé, en concertation avec les fédérations étudiantes concernées, une feuille de route d’implication des étudiants en santé en situation de crise sanitaire. »
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