Les violences et le harcèlement sexistes et sexuels au travail

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Vous subissez une discrimination de genre, des violences ou du harcèlement sexuels au travail? Ce guide vous aide à vous défendre.

Les femmes dans l’organisation du travail

La part des femmes dans l’organisation du travail se construit inexorablement, entre épanouissement et contraintes. Des transformations notables ont été observées, en termes de croissance de l’activité féminine, ces trente dernières années, dans le monde entier.

Le combat pour l’égalité des femmes

Un véritable chemin vers l’égalité a déjà été parcouru depuis les années 70, mais la réduction des inégalités s’est considérablement ralentie et stagne depuis la fin des années 90, en dépit d’un impressionnant arsenal législatif. En France aujourd’hui, 80 % des femmes âgées de 25 à 49 ans sont actives. Les femmes représentent presque la moitié des actifs et sont désormais plus diplômées que les hommes.

Mais, à niveau de formation égale, hommes et femmes ne se voient toujours pas affectés aux mêmes postes de la division sociale du travail. Les inégalités de distribution dans les différents étages de l’économie nationale s’accompagnent de dissymétries dans l’accès aux postes de responsabilités et d’importantes disparités de rémunération : le salaire féminin est statistiquement inférieur de 27 % au salaire de l’homme.

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Certaines tendances dans l’évolution de l’emploi féminin sont même préoccupantes:

  • anciennes, comme la déqualification à l’embauche, la répétitivité des tâches,
  • nouvelles comme le temps partiel imposé (les femmes représentent 80 % des temps partiels imposés et 80% des foyers monoparentaux),
  • l’accroissement du travail en horaires décalés,
  • l’augmentation des contraintes de rythme,
  • le retour de congés maternité aléatoire..

La division sexuelle du travail

On voit donc se perpétuer les principes de la division sexuelle du travail théorisée par Daniele Kergoat et Héléna Hirata. Cette division sexuelle du travail a pour caractéristiques:

  • l’assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive,
  • la captation par les hommes des fonctions sociales à fortes valeurs ajoutées (politiques, religieuses, militaires..)

Plus le travail est le résultat d’une qualification, plus il apparaît comme qualifié, plus il est l’effet de capacités que l’on peut qualifier de naturelles, moins il est qualifié.

La spécificité des activités musculaires féminines se double de celle de leur attitude morale, socialement encouragée. Dans notre société, il échoît aux femmes les métiers d’assistance, du care dit-on maintenant, la prise en charge de la saleté, de la maladie, de l’enfance, de la vieillesse, de la mort. A la fois symboliquement et physiquement, on attend d’une femme qu’elle soit penchée vers l’Autre.

Les femmes, dans la division sexuelle des métiers, sont donc assignées aux postes ayant un lien avec l’autre, souvent déqualifié, peu rémunéré puisque les compétences féminines que la femme possède par nature n’ont pas à s’acquérir dans des formations spécifiques.
Regarder le travail des femmes avec les lunettes de la sociologie impliquait donc de comprendre leurs pathologies à l’aulne de deux postulats :

  • il y a des métiers d’hommes et des métiers de femmes.
  • un métier d’homme vaut plus qu’un métier de femmes.
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Si les femmes sont la cible privilégiée des TMS, ce n’est pas tant à cause de leur morphologie ou des facteurs hormonaux qui scandent leur construction biologique et psychologique que parce que l’organisation du travail les exclut massivement de la conception et de la décision.

Aux hommes les métiers du risque (bâtiment, route, découverte) conservant les valeurs viriles traditionnelles, le travail des matières nobles, les postes de responsabilité, de conception. Et au cœur même de la parcellisation du travail, les tâches variées, complexes, demandant des connaissances provenant de formations professionnelles donnant choix à qualification et promotion. Aux femmes les métiers de soin aux enfants, aux vieillards, aux malades. Les tâches simples, statiques, monotones, répétitives ne requérant aucune qualification reconnue comme telle, mais nécessitant minutie, patience et rapidité à la fois.

La répartition des tâches

Mais, si les femmes ont pu pénétrer toutes les sphères professionnelles masculines, comme le souligne Helena Hirata, « Ces changements dans la division sexuelle du travail professionnel n’ont pas été accompagnés par des changements similaires dans la division sexuelle du travail domestique et familial, où la responsabilité de la gestion et de l’exécution continuent à être assignées aux femmes. » (Hirata, 2002).

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Toutes les études, répétitivement, soulignent la persistance de la répartition sexuée du travail productif et/ou reproductif, l’absence récurrente de valorisation sociale de ce dernier avec pour corollaire la surdité de l’organisation du travail à la charge temporelle et mentale des « impondérables » familiaux qui incombe systématiquement aux femmes. Les absences qui en découlent, tout comme les congés maternité, relèvent de « l’absentéisme féminin ».

Les femmes qui travaillent, doivent tenir la contradiction entre d’un côté, le désir affirmé de travailler et de l’autre, continuer à assumer la sphère familiale, sans se plaindre, de surcroît, des tensions que provoque leur activité professionnelle au sein de la famille, et des tensions que provoque la charge mentale de leur famille dans leur travail.

La charge mentale des femmes

Les aléas du travail « reproductif » (maladies des enfants, vacances, activités extra-scolaires, réunions avec les professeurs..) entrent fréquemment en conflit avec les contraintes d’un emploi. Si plus personne ne conteste le droit au travail pour les femmes, leur place est tolérée à condition que la prise en charge des enfants et de la vie domestique qui leur incombe traditionnellement et socialement soit assurée et invisible.

Pour une femme, travailler ne change rien dans la répartition des responsabilités familiales. Ne pas avoir le temps de tout assumer entraîne souvent le sentiment de ne pas être à la hauteur, de tout faire « à peu près ». « Pour les femmes qui occupent des emplois qualifiés, il est notoire que le fait de prendre le mercredi pour les enfants se solde souvent par le fait de devoir ramener du travail à la maison. Quand les « femmes actives » surveillent les devoirs d’un œil, tout en enfournant la pizza surgelée de l’autre, tandis qu’elles répondent sur leur mobile à des appels professionnels en même temps qu’elles bouclent un rapport pour le lendemain et démarrent une lessive, il devient une gageure de décrire leur activité et les savoir-faire mobilisés, comme de calculer avec certitude un « temps de travail » (Molinier, 2003).

La séparation entre le temps du travail et le temps hors travail ne relève pas d’une articulation mécanique mais de l’organisation sociale. Sexuée de surcroît. Tandis que les hommes, plus généralement dispensés du travail domestique, peuvent cliver la sphère du « privé » de celle du « public », pour les femmes, il y a une forte porosité entre travail salarié et travail domestique. Où et quand est-on vraiment dans le « hors travail »

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L’organisation du travail au masculin neutre a donc peu de compréhension pour les difficultés spécifiques que rencontrent les femmes qui veulent conjuguer vie professionnelle et vie familiale. Bien pire, le chef d’entreprise se charge de rappeler à une femme qu’il embauche, qu’elle aura des enfants, des règles, une ménopause qui la rendront moins disponible qu’un homme sur le même poste.

La discrimination indirecte et ses conséquences sur la santé des femmes

Bien qu’elle soit délicate à manier, cette notion de discrimination indirecte recèle de grandes potentialités pour traquer et sanctionner les discriminations « masquées » entre les hommes et les femmes, discrimination résultant on l’a vu de l’application de critères ou de mesures en apparence neutre, sans lien avec le sexe des travailleurs, mais qui ont pour effet de défavoriser majoritairement un groupe de travailleurs composé majoritairement de femmes. Elle permet ainsi d’interroger certaines formes d’organisation du travail qui, sous l’apparence d’une neutralité, d’une indifférence à la question du genre, défavorisent les femmes dans l’emploi, précisément dans les rémunérations et avantages sociaux ainsi que le déroulement de leurs carrières.

En voici quelques exemples de conséquences sur le corps des femmes:

Avant de passer au prochain chapitre sur les définitions légales des violences sexistes et sexuelles, voici une présentation particulièrement bien faite sur La Place des Femmes dans les Entreprises, préparée par Claire Baillet, que nous partageons avec vous. Des chiffres, des références, des textes de lois, qui non seulement sont très parlants mais peuvent également se révéler utiles.

Et le livret du formateur et de la formatrice sur le harcèlement sexuel, publié en novembre 2020 par le Défenseur des Droits (à télécharger au format Pdf)

Les violences sexuelles et sexistes dans la loi

Les définitions légales des violences et du harcèlement sexuels

Dans le code pénal, l’article 222-33 du code pénal issu de la loi du 6 août 2012 dispose:

I. Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

II. est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

III. Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis :

  1. par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
  2. sur un mineur de moins de quinze ans ;
  3. sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
  4. sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
  5. par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.

Dans le Code du Travail, l’article L1153-1 du code du travail relatif au harcèlement sexuel dit:

Aucun salarié ne doit subir des faits :

  1. soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
  2. soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Cette disposition, issue de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, s’applique pour les agissements commis après le 8 août 2012, date d’entrée en vigueur de la loi.

Pour les faits commis avant, l’ancienne définition s’applique (contrairement à l’infraction pénale de harcèlement sexuel abrogée par le Conseil constitutionnel le 4 mai 2012): « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».

La Cour de cassation a apporté une précision de bon sens en disant que le harcèlement sexuel d’un salarié sur une salariée pouvait être commis « hors du temps et du lieu de travail ». Dans cette hypothèse, la responsabilité de l’employeur est tout de même engagée. Cass. soc., 19 oct 2011, n°09-72.672.

Interdiction de prendre des sanctions, même en cas d’acte unique

L’article L1153-2 issu de la loi du 6 août 2012 dispose:

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du meme article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés ».

Par rapport à l’ancienne disposition, la protection est donc élargie aux stagiaires et aux candidats à un stage. Interdiction de prendre des sanctions à l’encontre d’un(e) salarié(e) pour avoir témoigné ou relaté un harcèlement sexuel.

Article L1153-3 du code du travail:

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Ces sanctions sont « nulles » (article L1153-4 du Code du travail), c’est-à-dire qu’elles doivent être annulées, ou si la salariée licenciée refuse la réintégration, elle doit être indemnisée.

Dans la legislation européenne

Le vote d’une nouvelle loi qui s’en est inspirée ne rend pour autant pas caduque la définition du harcèlement sexuel contenue à l’article 2 de la Directive Européenne 2002/73/CE du 23 septembre 2002. Cette dernière demeure une « norme hiérarchiquement supérieure » et peut être à invoquée à chaque fois qu’elle est plus favorable que la loi française.

L’article 2 de la Directive européenne 2002/73/CE du 23 septembre 2002 définit en effet le harcèlement sexuel comme:

« La situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

Toutes les formes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique sont profondément traumatisantes pour leurs victimes. Pour les auteurs de tels agissements, il s’agit d’un moyen d’exercer leur domination et leur contrôle.

L’écrasante majorité des victimes de harcèlement sexuel, d’abus sexuels, de viol, de harcèlement, de mariage et de stérilisation forcés, et de violences physiques, sexuelles ou psychologiques commises par des partenaires intimes sont des femmes. Si l’on ajoute les mutilations génitales et l’avortement forcé, que seules subissent les femmes, il apparaît clairement que celles-ci sont exposées à une multitude effarante de comportements cruels et dégradants. Il n’est pas difficile de comprendre que cette violence, souvent exercée par les hommes, est structurelle, et vise à maintenir leur pouvoir et leur contrôle. Ce constat est d’autant plus frappant au vu du caractère fragmentaire des tentatives de la police, des tribunaux et des services sociaux de nombreux pays pour venir en aide à ces femmes.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique repose sur l’idée qu’il s’agit d’une forme de violence sexiste dans la mesure où elle est exercée sur les femmes parce qu’elles sont des femmes. Il incombe à l’Etat, sous peine d’être en faute, de lutter efficacement contre cette violence sous toutes ses formes en prenant des mesures pour la prévenir, en protégeant les victimes et en poursuivant les auteurs. Selon la convention, il est clair que la parité ne sera pas une réalité tant que la violence sexiste persistera à grande échelle, au vu et au su des organismes publics et des institutions.

Dans la mesure où les femmes ne sont pas les seules victimes de la violence domestique, les parties à la convention sont encouragées à en étendre le cadre protecteur aux hommes, aux enfants et aux personnes âgées exposés à la violence dans le cercle familial ou au sein du foyer. En tout état de cause, il ne faut pas perdre de vue que la majorité des victimes de la violence domestique sont des femmes et que cette forme de violence s’inscrit dans le cadre plus large des discriminations et des inégalités.

Les agressions sexuelles dans la loi

Article 222-22 du code pénal :

« constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Il s’agit des attouchements imposés sur le sexe ou sur des parties du corps considérées comme intimes et sexuelles : les fesses, les seins, les cuisses et la bouche (baisers forcés). Dans le cadre du travail, ces atteintes sexuelles sont le plus souvent commises par surprise ou sous la contrainte.

Exemples d’agressions sexuelles commises par l’utilisation de la surprise:

  • Mains sur les fesses en arrivant par derrière
  • Mains sur les seins alors que la salariée est concentrée sur son travail et n’a pas vu son collègue arriver.
  • Baisers sur la bouche au moment de faire la bise

Attouchements

Les attouchements peuvent aussi être imposés au moyen de menaces:

Menaces explicites sur l’emploi, sur une promotion, menaces de mutation, de refus de formation… etc.

Violence physique

Si les agressions s’accompagnent de brutalités (coups, victime poussée contre un mur…), une infraction distincte peut être constituée.

Circonstances aggravantes

Un certain nombre de circonstances aggravantes sont prévues par la loi:

  • Si l’auteur des agressions sexuelles « abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » (art 222-28 al.3 Cp) : c’est souvent le cas dans les relations de travail;
  • Si les agressions sont commises « avec usage ou menace d’une arme » (art 222-28 al.5 Cp), ladite arme pouvant l’être « par destination » (outil, instrument médical, coupe-papier…).
  • Si la ou les victimes sont des personnes « dont la particulière vulnérabilité (…) apparente ou connue de l’agresseur », est liée à une infirmité, à une déficience physique ou psychique. C’est le cas notamment des salarié(e)s reconnu(e)s en qualité de travailleurs handicapés par la Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDApH).

Exhibition sexuelle

Article 222-32 du code pénal :

« L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible au regard du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

L’entreprise, tout en étant un lieu privé, est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « accessible au regard du public ». Un salarié qui exhibe son sexe ou ses fesses sur son lieu de travail (y compris en laissant les portes de vestiaire ouvertes) peut donc être poursuivi sur ce fondement.

Harcèlement sexuel

La dernière loi relative au harcèlement sexuel a été rédigée à la suite d’une Question prioritaire de constitutionnalité (Qpc). Le 4 mai 2012, le conseil constitutionnel a estimé (à juste titre) que l’article 222-33 du code pénal n’était pas suffisamment précis pour pouvoir être appliqué.

Une circulaire du 7 août 2012 du ministère de la Justice donne des consignes d’interprétation de la loi :

  • Les « comportements » peuvent être « de toute nature (propos, gestes, envois ou
    remises de courriers ou d’objets, attitudes…) ».
  • Le terme « imposer » signifie « subis et non désirés par la victime ».

La circulaire précise :

« la loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante ». Par exemple, « un silence permanent face aux agissements ou une demande d’intervention adressée à des collègues ou un supérieur hiérarchique » doivent être compris comme une absence de consentement.

Exemples de propos et comportements

  • Regards déshabilleurs
  • Commentaires sur le physique (« tu devrais mettre un pantalon plus souvent, ca moule bien tes fesses. »; « Avec ce rouge à lèvres, t’as une bouche à… »)
  • Confidences sexuelles imposées
  • Propos graveleux généralisés ou individualisés (« C’est bien la clim, les tétons pointent! »)
  • Commentaire sur la vie sexuelle des salariés
  • Chantage (« Si t’es gentille, t’auras ta prime, tes vacances, ta formation… » « Si t’es toujours aussi méchante, tu risques pas d’évoluer »; « Si t’es une bonne manager, tu me fais ta présentation toute nue. »)
  • Présence de pornographie imposée (mailing, écrans de veille, images…)
  • Normalisation des critères pornographiques masculins, intégration de cette dimension au management
  • Mimes sexuels manifestes ou latents (fellation, copulation)
  • Contacts physiques (pied sous la table, bise appuyée, massages des épaules imposés, mains autour de la taille, caresses dans le dos, mains dans les cheveux, bouton déboutonné ou reboutonné, rapprochement dans l’espace intime…)

Ces agissements sont graves et punis par la loi. Ils peuvent être constitutifs de harcèlement sexuel, d’exhibition, de viol. Vous pouvez porter plainte contre l’auteur des faits, et/ou contre votre employeur dont la responsabilité est engagée même s’il n’est pas coupable des faits.

Article L4121 du Code du Travail

S’agissant de la répétition, la circulaire « exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises. Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis »:

  • « L’atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant » peut être constituée par « des propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes ».
  • « La situation intimidante, hostile ou offensante » peut être constituée par « un comportement qui a pour conséquence de rendre insupportables les conditions de vie, de travail ou d’hébergement de la victime ».

Pour le délit « assimilé au harcèlement sexuel » :

  • Le caractère de gravité des pressions « s’appréciera au regard du contexte et plus précisément des relations existant entre le harceleur et sa victime, de la situation dans laquelle se trouve cette dernière et de sa capacité plus ou moins grande à résister à la pression dont elle fait l’objet ».
  • L’acte de nature sexuelle peut être « tout acte de nature sexuelle notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel ».

Ces définitions s’appliquent aux agissements qui ont continué au-delà ou commencé à compter du 8 août 2012.
Avant, aucune répression pénale du harcèlement sexuel n’est possible, sauf à ce que les faits dénoncés puissent constituer une autre infraction (harcèlement moral, violences volontaires à caractère psychologique, appels téléphoniques malveillants).

Injures

Article R621-2 du code pénal :

« L’injure non publique envers une personne, lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1e classe ».

Depuis le 1er janvier 2004, injurier une personne en raison de son sexe constitue une circonstance aggravante.

Pornographie

Article R624-2 du code pénal :

« Le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des messages contraires à la décence est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Est puni de la même peine le fait, sans demande préalable du destinataire, d’envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages ».

Si la messagerie de l’entreprise est utilisée pour l’envoi d’e-mails à caractère sexiste et/ou pornographique, le délégué syndical peut prendre appui sur cette loi pour interpeller l’employeur. La jurisprudence considère en outre que c’est un motif de licenciement.

Violences volontaires

Article 222-11 du code pénal :

« Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

Des circonstances aggravantes sont prévues (personnes vulnérables, violences commises « sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de deposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition »).

La loi du 9 juillet 2010 a créé un article 222-14-3 qui précise que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».C’est la raison pour laquelle les procédures pour harcèlement sexuel commencées avant l’abrogation du délit par le Conseil constitutionnel le 4 mai 2012 peuvent être poursuivies sur ce fondement.

Viol

Article 222-23 du code pénal :

« tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».

Les stratégies employées par l’auteur du viol (« les modes opératoires »), sont les mêmes que le délit d’agression sexuelle. La différence réside dans l’acte de pénétration, dont il est précisé qu’il peut être « de quelque nature qu’il soit ». Ainsi, quand elles sont imposées, les pénétrations vaginales, anales (sodomie), orales (fellation) et les pénétrations commises par la main ou avec un objet sont des viols.

Dans les relations de travail, les viols sont parfois commis par l’usage de la violence et/ou de la force physique, mais ils le sont le plus souvent au terme d’une longue entreprise d’affaiblissement de la victime, d’exercice d’une emprise, de phases alternant survalorisation et profondes humiliations.

Comme pour les agressions sexuelles, il existe des circonstances aggravantes en raison de la « qualité » de l’auteur, de la « vulnérabilité » de la victime et des circonstances du viol. La subordination dans le contrat de travail en est une.

A lire!

La République au Féminin, un magnifique dossier histoire/actu sur la très longue évolution des droits de la femme au sein de la République Française.

Recherché et rédigé par Magali SCHWEITZER, Valérie CANIART, Aurore RUBIO, Florence Brissieux et Patrice SAWICKI.
Publié sur le site de Thucydide.

Comment se défendre contre les violences sexistes et sexuelles au travail: mode d’emploi en cinq étapes

Avec tous nos remerciements à l’AVFT qui a accepté de partager son contenu formidable avec nous. 

1. Faire savoir à l’agresseur que son comportement est inacceptable

Réagissez le plus vite possible. Plus le temps passe, plus le harcèlement risque de s’aggraver.

Faites confiance à votre intuition. Le malaise que vous – ressentez est très probablement fondé; contrairement à ce que l’on entend souvent « vous ne vous faites pas des – idées ».

Montrez que :

  • Vous ne souhaitez pas le type de relations qu’il vous suggère ou qu’il vous impose,
  • Vous êtes dérangée et qu’il vous met mal à l’aise,
  • Vous n’êtes pas dupes de l’ambiguïté des rapports qu’il tente d’instaurer avec vous,
  • Vous estimez ses propositions, ses promesses, ses menaces comme une forme de chantage,
  • Vous avez des droits en tant que personne et en tant que salariée,
  • Vous n’êtes pas seule ; des collègues, des ami-es, des associations peuvent intervenir à vos côtés et renverser le rapport de force. 

2. Ne restez pas isolé(e).

Avertissez vos proches et vos collègues. Faites appel à leur solidarité. Demandez leur témoignage, leur appui face à la hiérarchie. Pensez aux démarches communes comme le comité de soutien, la pétition. Contactez les représentant-es du personnel, les syndicats, le Comité d’Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).

Contactez l’AVFT

L’AVFT, dont l’intervention est gratuite, n’est pas un service public, ni une société de services ou de conseils. Son action aux côtés des victimes a comme limites, celles que celles-ci choisissent : l’association ne va ni plus loin ni moins loin que ce qu’elles ont décidé. Elle n’intervient pas à la place ni au nom des intéressés/es dont l’accord est requis à chaque étape de son intervention. Il s’agit d’un contrat tacite où chacune des deux parties s’engage librement.

L’engagement de l’association n’est pas fondé sur la probabilité de la réussite ou de l’échec de l’action entreprise. Elle agit si elle est convaincue de la réalité de l’agression, si elle est d’accord avec la défense choisie par la victime, et en cas de constitution de partie civile, si son budget le lui permet.

L’AVFT dispose d’une permanence téléphonique et reçoit sur rendez-vous. Son siège est à Paris, mais elle se déplace en province. L’AVFT assure une fonction d’écoute, de conseils – notamment juridiques -, de suivi et d’intervention.

Ainsi elle peut :

  • Recueillir des témoignages
  • Aider à constituer un dossier et en assurer le suivi
  • Recevoir et entendre les témoins
  • Rencontrer les allié/es : syndicats, collègues…
  • Soutenir et accompagner les victimes dans les démarches auprès de l’inspection du travail, la police/gendarmerie, des syndicats, de la justice, de l’avocat/e …
  • Intervenir auprès de l’employeur/euse ou d’autres instances concernées
  • Se constituer partie civile avec l’accord écrit de la victime lors d’un procès pénal.

3. Constituez un dossier

Il ne s’agit pas de remplir un formulaire préétabli mais de rassembler tous les éléments qui peuvent êtres utiles à votre défense, et notamment votre témoignage qui en sera la pièce maîtresse. Vous l’alimenterez au fur et à mesure de l’évolution de la situation.

Il vous permet par ailleurs de prendre du recul pour élaborer les stratégies les plus adéquates et vous décider en connaissance de cause.
Vous réunirez les pièces ou informations concernant :

Votre situation de travail :

  • Contrat de travail et fiches de paie,
  • Evolution de votre situation professionnelle (poste, promotion, rétrogradation…)

Le(s) agresseurs(s) :

  • Nom et position hiérarchique,
  • A-t-il de l’influence et sur qui ?
  • A-t-il en général une attitude offensante, sexiste ?
  • Agresse-t-il ou a-t-il agressé d’autres personnes ? 

Sur les agissements de l’agresseur :

  • Le récit détaillé et chronologique des agressions : le contexte, l’heure, le lieu, les paroles et gestes exacts de l’agresseur, même si cela vous gène,
  • Ses menaces ou/et ses promesses, en précisant celles mises à exécution,
  • Les contraintes que vous subissez,
  • Tout écrit ou tout objet que l’agresseur vous aurait fait parvenir (“post-it”, petits mots, lettres, cadeaux acceptés ou refusés, pornographie). Sachez que les enregistrements peuvent valoir comme élément de preuve en matière pénale. 

Sur les répercussions du harcèlement :

  • Sur votre travail : avertissements, sanctions disciplinaires, brimades, “mises au placard”,
  • Sur vos relations personnelles et sociales,
  • Sur votre santé : arrêts de travail, certificats médicaux, traitements médicaux. 

Sur vos démarches :

  • Auprès du harceleur,
  • Auprès de votre hiérarchie,
  • Auprès des collègues, délégués du personnel et syndicaux, le comité d’entreprise, le comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail,
  • Auprès de l’inspection du travail, la médecine du travail, la police/gendarmerie, des chargées de mission départementales et régionales aux droits des femmes (rattachées au Préfet),
  • Auprès des associations 

Datez et précisez les réponses obtenues

Gardez les justificatifs de vos différentes démarches (double de vos écrits, preuve de leur envoi), ainsi que les traces de vos dépenses (affranchissement du courrier, téléphone, frais de déplacement, photocopies) afin d’évaluer le préjudice financier. 

4. Saisissez l’inspection du travail et l’employeur

L’inspection du travail est habilitée à mener, à votre demande, une enquête dans l’entreprise et est compétente pour relever les infractions au droit du travail. Elle est en mesure, et en droit, d’intervenir auprès de la direction, de dresser un procès-verbal et/ou de faire un signalement au Procureur. Ses agent-es sont soumis-es au secret professionnel.

Pour permettre à votre employeur d’intervenir, informez le par lettre recommandée avec accusé de réception en décrivant précisément les agissements que vous subissez. Exposez ce que vous souhaitez obtenir. L’employeur, garant des conditions de travail, doit traiter à égalité les salarié-es. Sa responsabilité est en cause, qu’il soit ou non l’auteur des agressions. 

5. Engagez une procédure

Contre l’auteur des violences :

Une plainte au commissariat, à la gendarmerie, auprès du procureur, ou bien une plainte avec constitution de partie civile peuvent entraîner une condamnation et le versement de dommages et intérêts pour les préjudices subis. 

Contre l’employeur :

L’employeur peut être poursuivi devant le tribunal correctionnel pour discrimination sur le fondement des articles L 123-1 et L 152-1 du code du travail, s’il vous a sanctionnée après avoir été informé du harcèlement sexuel.

Il peut être condamné à une peine de prison, à une peine d’amende, à l’affichage et à la publication du jugement, au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Dans les deux hypothèses, une association luttant contre les violences et les discriminations et les syndicats peuvent se constituer partie civile à vos côtés avec votre accord écrit.

L’employeur peut également être poursuivi devant le Conseil des Prud’hommes pour violation des dispositions du Code du travail.
Si vous avez été sanctionnée ou si vous avez été licenciée, et si vous pensez que ces mesures sont liées au fait que vous avez subi ou refusé de subir un harcèlement sexuel, vous pouvez obtenir devant le conseil de prud’hommes :

  • Une levée de la sanction disciplinaire,
  • La nullité du licenciement, entraînant votre réintégration dans l’entreprise ou des dommages et intérêts,
  • Une requalification de votre démission en rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, si vous avez démissionné pour faits de harcèlement sexuel.

Si vous avez porté plainte, une démission ne vous prive pas des droits éventuels à l’assurance-chômage.

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Voir aussi:

Enquête sur les violences sexuelles faites aux femmes au travail

Cette étude réalisée en Seine-Saint-Denis en 2007 (pdf) décortique les expériences de violences sexistes et sexuelles vécues par 1772 femmes.

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Elle donne une vision d’ensemble, avec chiffres à la clé, des agressions vécues au quotidien, qu’elles soient verbales ou physiques; des auteurs de ces agressions, et des réactions engendrées chez les victimes; des conséquences vécues sur les plans professionnel et personnel, et des suites judiciaires.

Harcèlement sexuel au travail: informations pour les employeurs

L’employeur est responsable des conditions de travail au sein de son entreprise.

Le Code du travail (L122-46 et suivants, L123-1, L152-1-1) prévoit une double responsabilité civile et pénale si l’employeur s’abstient de prévenir le harcèlement sexuel ou si, informé des faits, il ne prend aucune mesure pour les faire cesser, voire il sanctionne la victime.

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Utile à l’employeur comme à l’employé, le site de l’AVFT vous en dit plus sur l’obligation de prévention de l’employeur, son obligation de garantir des conditions de travail exemptes d’atteintes à l’intégrité physique ou psychique, sur l’interdiction de prendre des mesures discriminatoires à l’encontre de la victime ou des témoins de harcèlement, et sur l’interdiction de prendre des mesures (embauche, sanction, licenciement) discriminatoires en raison du sexe.

En savoir plus sur l’AVFT

avft

L’AVFT est la seule structure spécialisée dans la prévention contre les violences sexuelles au travail. Créée en 1985, elle bénéficie de nombreuses années d’expérience aux côtés des victimes et d’analyse de ces violences. Voir leur site pour plus de détails sur leurs actions de prévention, leurs outils de formation et d’information.

Prévention des violences sexistes et sexuelles au travail

Préparé par la CFDT à l’attention des syndicalistes, ce guide de 50 pages extrêmement bien fait:

  • reprend les définitions et les lois,
  • expose les chiffres d’enquêtes et d’études officielles,
  • explique en détail le rôle des syndicalistes,
  • donne des conseils de prévention,
  • passe en revue les recours externes à l’entreprise,
  • fait un bilan complet sur les différentes options de prises en charge des victimes, incluant des conseils sur la constitution des dossiers, les démarches, et des actions à entreprendre contre les agresseurs, puis
  • conclue sur les actions de la CFDT depuis 40 ans, et
  • le grand projet de sensibilisation « Respectées ».
violencessexuelles
A lire à tout prix.

Les associations qui peuvent aider

Voici les liens sur le site de l’AVFT pour les associations de soutien aux victimes, les associations féministes, et plein d’autres ressources très utiles.

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