Pénurie de personnel et difficultés de recrutement pour les établissements sanitaires, perte de sens et désillusions, côté soignants : l’urgence se fait jour de « Ré-enchanter la profession infirmière ». Tel est précisément le sujet au cœur des débats et des réflexions de l’édition 2022 du Salon infirmier qui se déroule à Paris ces 17, 18 et 19 mai. Un rendez-vous incontournable de la profession, à l’occasion duquel, Zaynab Riet, infirmière et déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF) nous livre son analyse étayée…
Par Betty Mamane, directrice de la rédaction de infirmiers.com
En tant qu’infirmière et déléguée générale de la FHF, quel regard portez-vous sur l’état de la profession ?
Cette profession dont le rôle est incontournable a acquis une profonde reconnaissance aux yeux des Français. D’une grande variété des missions, elle est aussi en dynamique sur le plan démographique. Plus de 700 000 personnes exercent aujourd’hui ce métier, on ne peut donc pas le résumer à une seule modalité d’exercice ou à une seule fonction. Pour moi, c’est un métier qui offre des compétences socles, permettant à chacun de se projeter ensuite dans un parcours professionnel à lui, dans le soin par exemple à travers des surspécialisations, hors du soin dans les missions managériales hospitalières, et probablement encore des multiples autres orientations possibles.
Avec le Ségur et le programme Ma Santé 2022, des avancées ont été réalisées. Quel bilan en faites-vous ?
Je constate avec beaucoup de satisfaction que les carrières de plus de 500.000 soignants ont été revalorisées avec des mesures historiques (en conjuguant complément de traitement indiciaire et refonte des grilles salariales). C’était une demande forte de la FHF. Est-ce que cela sera suffisant ? Probablement pas. Toutes les mesures du Ségur n’ont pas encore pu être mises en œuvre et certaines sont importantes comme la refonte de la formation professionnelle ou la réforme du régime indemnitaire. D’autres demandent un temps d’appropriation pour être instaurées, comme la sélection des projets éligibles à l’engagement collectif. On est sur la bonne voie.
Face à la pénurie persistante de soignants hospitaliers, quels leviers faut-il encore actionner ? Quelles mesures ou réformes vous semblent encore cruciales à mener ?
La formation a un rôle à jouer. Il n’y a jamais eu autant d’infirmiers en exercice et pourtant les difficultés de recrutement sont croissantes. Sur ce sujet, méfions-nous des raccourcis faciles. Nous avons non pas un problème d’attractivité des formations en santé, la formation en IFSI étant la plus choisie chaque année sur parcours sup avec plus de 30.000 étudiants en premier année, mais probablement des difficultés de sélection des profils les plus adaptés au métier. Il faut donc accroitre le nombre de places dans les écoles de formation mais aussi donner aux écoles des marges de manœuvre pour revoir la sélection.
Il faut accroître le nombre de places en formation, mais aussi réaliser une sélection de profils mieux adaptés au métier
La question ne se pose-t-elle pas aussi d’un manque de préparation et d’une formation trop loin du terrain ?
Il y a probablement un manque de préparation et aussi de maturité dans la pratique clinique à la sortie de l’école. Sur ce point, l’universitarisation a pu avoir des effets contradictoires. Elle a apporté de droits supplémentaires pour les étudiants, notamment en termes de protection sociale et d’accès aux aides de droit commun proposées par le CROUS. Pour autant, j’entends que les responsables de formation et les équipes hospitalières qui accueillent les étudiants constatent que cette réforme a éloigné les étudiants de la pratique clinique. Il faut certainement reprendre ce point.
Comment lutter contre ce sentiment de perte de sens de plus en plus prégnant dans la profession ?
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