Dix graphiques pour comprendre l’ampleur de la crise du travail en France

Stress Travail et Santé

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Les derniers résultats de l’enquête européenne sur les conditions de travail montrent que les travailleurs français sont particulièrement mal lotis, comme l’analysent les sociologues Dominique Méda, Maëlezig Bigi et Agnès Parent-Thirion. Pas étonnant, dans ces conditions, que le recul de l’âge légal du départ à la retraite ait suscité une telle révolte.


Par Dominique Méda, Maëlezig Bigi et Agnès Parent-Thirion


Le diagnostic est désormais assez partagé : avant de faire quoi que ce soit sur les retraites, il aurait fallu parler travail. Une proportion non négligeable de Françaises et de Français – particulièrement celles et ceux dont les conditions de travail sont les plus pénibles – part bien plus souvent que les autres à la retraite avant d’avoir atteint l’âge légal ou le taux plein.
Une étude récente1 a mis en évidence que le recul de l’âge légal de 60 à 62 ans provoqué par la réforme de 2010 avait entraîné une augmentation significative des arrêts-maladie chez les seniors, avec des effets différenciés selon le genre et des effets de déversement vers le chômage ou l’invalidité.
Ainsi, la question du recul de l’âge de départ à la retraite est avant tout celle des conditions de travail, de la santé et du rapport à l’emploi, c’est-à-dire de la soutenabilité du travail tout au long de la vie.
Plus précisément, il aurait fallu faire, avec les syndicats et de nombreux chercheurs, le constat que le travail est malade et chercher les remèdes les plus appropriés. Pour prendre la mesure de cette crise en France, nous disposons de deux enquêtes spécifiquement consacrées aux conditions de travail.
A côté de l’enquête française, qui existe depuis 1978 et concerne aujourd’hui 25 000 actifs occupés, l’enquête européenne sur les

conditions de travail propose depuis 1990 une vue d’ensemble des conditions de travail en Europe.
L’enquête française met en évidence une dégradation du travail depuis plusieurs décennies : après une pause entre 1998 et 2005, le processus d’intensification du travail a repris rendant le travail de plus en plus difficile à supporter pour de nombreuses personnes. La vague 2019 a mis en évidence que pour 37 % des actifs occupés français, leur travail était « insoutenable ».
La dernière vague de l’enquête européenne, passée en 2021 auprès de plus de 71 000 actifs occupés résidant dans 36 pays, confirme ces résultats et permet de faire de précieuses comparaisons. De nombreux responsables politiques ne cessent en effet d’attirer l’attention sur ce que font nos voisins. Ils feraient mieux que nous en matière d’âge à la retraite.
Mais pour comprendre la situation française, il importe de comprendre notre position en Europe en matière de conditions de travail. Si le recul de l’âge légal de départ à la retraite suscite une telle révolte, c’est sans aucun doute parce que notre pays est particulièrement mal placé de ce point de vue.
L’enquête européenne dont nous présentons les principaux résultats permet de prendre la mesure de la grave crise du travail en France. Dans le cadre de ce court article, nous avons choisi de présenter la situation française en regard de trois autres pays : l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas ainsi que de la moyenne de l’Union européenne.

Des contraintes plus fortes qu’ailleurs

Alors que quatre critères de pénibilité ont été supprimés en 2017 par les ordonnances travail (port de charges lourdes, postures douloureuses, produits chimiques et vibrations), la France apparaît particulièrement à la traîne en matière de contraintes physiques supportées au travail, en particulier sur ces fameux critères. Sur les quatre items particulièrement représentatifs d’une forte pénibilité physique, elle fait systématiquement pire non seulement que ses voisins allemands, danois et néerlandais, mais aussi que la moyenne européenne.

Dix graphiques pour comprendre l’ampleur de la crise du travail en France


Aux contraintes physiques qui ont peu diminué depuis une vingtaine d’années s’ajoutent désormais des contraintes émotionnelles particulièrement fortes et des discriminations plus marquées, notamment pour les femmes.

Télécharger l’intégralité de l’étude (format Pdf)

Dix graphiques pour comprendre l’ampleur de la crise du travail en France

Dominique Méda, sociologue, directrice de l’IRISSO/Université Paris-Dauphine-PSL, Maëlezig Bigi, sociologue, maîtresse de conférences au Cnam, chercheuse au Lise et affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail, Agnès Parent-Thirion, Directrice de recherche à Eurofound, en charge de l’EWCTS .
Cet article a initialement été publié sur le site d’Alternatives Économiques.


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