Suicides d’infirmières, démissions en bloc de médecins urgentistes à bout de nerfs, grèves pour protester contre l’état des conditions de travail des soignants à l’hôpital font régulièrement la une des médias ces dernières années.
L’absentéisme, de plus en plus fort, s’établit ainsi à 27 jours selon l’Agence Technique de L’Information sur l’Hospitalisation.
« La fatigue, l’épuisement, c’est le quotidien aujourd’hui à l’hôpital », s’inquiète Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Les hôpitaux vont mal, et la santé de leur personnel, pas beaucoup mieux.
Et si les mieux placés pour trouver des solutions à ce mal-être étaient les soignants eux-mêmes ? Les travaux que nous avons menés récemment dans les hôpitaux et dans les cliniques montrent que les initiatives prises dans les unités de soin sont souvent les plus efficaces.
Une intensification du travail, davantage d’absentéisme
Les réformes de l’hôpital et de son financement se sont succédées depuis 30 ans. Elles ont modifié profondément l’organisation du travail des agents. Cela ne se fait pas, en effet, sans mettre sous pression des services déjà affectés par une intensification du travail qui a été encore plus forte entre 2003 et 2013 qu’au cours de la décennie précédente (Algava et coll., 2014).
À ces éléments s’ajoutent des contraintes très fortes liées aux nombreuses absences. Le personnel manque ; pour assurer les soins malgré tout, il faut rappeler les agents sur leurs temps de repos. Les métiers de l’hôpital sont de plus soumis à de très fortes contraintes émotionnelles. Le tout produit une perte de sens, dans une activité où cela est plus que nécessaire.
Face à ces difficultés, les managers ne restent pas les bras croisés. Les résultats de la recherche menée par notre équipe dans des hôpitaux publics et des cliniques privées en 2016 attestent que ces établissements mettent en place des actions de prévention des risques psychosociaux sans pour autant qu’il soit possible d’en évaluer l’efficacité.
Il s’agit d’enquêtes globales sur les conditions de travail, de diagnostics plus ou moins exhaustifs réalisés en collaboration avec des intervenants publics ou privés, de formations diverses et variées (méditation en pleine conscience, sensibilisation aux risques psychosociaux, gestion du stress…) ou encore de chartes de bon fonctionnement. Certaines structures offrent la possibilité de se détendre pendant les pauses, avec des salles de sport ou des fauteuils massants…
Usure, lassitude, perte de sens
Néanmoins, la situation ne semble pas évoluer sur le terrain. Dans toutes les institutions étudiées au cours de notre recherche, les soignants continuent à être soumis aux mêmes contraintes, avec les mêmes conséquences : absentéisme, lassitude, épuisement (ou burn-out), usure, perte de sens, sentiment de mal faire leur travail.
Les actions de prévention des risques psychosociaux s’inscrivent avant tout, aujourd’hui, dans des plans de communication. Il s’agit de « montrer que l’on fait », pour redorer une image écornée. L’effet pervers est que cela décourage les « bonnes volontés », et notamment celle des représentants du personnel qui ne souhaitent pas être perçus comme « des complices de la direction ».
Il faut dire aussi que l’hôpital, de plus en plus, ressemble à un monstre. Les établissements hospitaliers sont regroupés dans des pôles et des métiers qui sont autant de « mondes » différents. Les démarches de prévention venues d’en haut se heurtent à cette complexité. Les actions sont peu adaptées aux particularités de chaque métier et de chaque unité de soins. Les directions rencontrent alors des difficultés pour en assurer le suivi. Pour le personnel, ces actions apparaissent totalement artificielles. Ces démarches déconnectées du terrain « glissent » alors sur l’organisation, sans modifier l’activité au quotidien.
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