Expérimentation d’une évolution méthodologique du dispositif d’innovation transitionnelle et approfondissement du passage aux transformations : retour sur une recherche-action dans le secteur médicosocial.
Résumé
Dans le contexte socioéconomique actuel, les entreprises sont appelées à se transformer pour davantage de performances sociales et économiques. Diverses tentatives sont réalisées, favorisant parfois la santé ou l’abîmant.
La psychologie du travail cherche elle aussi des modèles théoriques et méthodologiques pour soutenir ce travail d’alliances entre performances sociales et économiques et s’interroge notamment sur une approche psycho-socio-organisationnelle du management.
Au regard de ces enjeux, cet article présente une recherche-action menée dans un service du secteur médicosocial aux prises avec d’importants conflits et dont les acteurs désiraient des transformations rapides. Ce contexte a été l’occasion de tester le dispositif d’innovation transitionnelle élaboré par Guidou et Sarnin (2021) pour soutenir les transformations y compris dans une situation dégradée.
Une évolution en a cependant été proposée afin de raccourcir sa durée. Après avoir présenté la situation, nous expliquons comment nous avons accompagné ce collectif de 22 professionnels.
Nous montrons comment le dispositif permet de dépasser la difficulté à aller du diagnostic à la transformation. Nous nous interrogeons particulièrement les transformations qui se jouent au sein du système d’activité et tentons de déduire des indicateurs pertinents pour observer le processus d’innovation transitionnelle.
Introduction
En France, le secteur social et médicosocial regroupe plus de 40 000 établissements et services et accompagne des publics très divers tels que les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les enfants protégés et les personnes confrontées à des situations de grande précarité ou concernées par des addictions (HAS, 2022).
Ce milieu professionnel est l’un des plus exposé aux risques psychosociaux (Matinet et al., 2020). Plusieurs travaux (Santé et sécurité au travail, 2011) signalent, parmi les facteurs internes, des problématiques au niveau de l’organisation du travail (imprécision des missions confiées, absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches), au niveau de la gestion des ressources humaines et des relations (difficultés dans la gestion des trajectoires, non prise en compte des caractéristiques individuelles dans la répartition du travail, manque d’aide de la part des supérieurs et insuffisance du soutien des collègues de travail), au niveau des relations professionnelles (dialogue social difficile), au niveau de l’environnement physique et technique de travail (nuisances physiques, mauvaise conception des lieux et espaces de travail) ou encore au niveau des situations de changements (manque de communication autour du projet, non prise en compte du travail réel, absence de formation, d’accompagnement aux changements).
L’INRS (INRS, 2023) (consulté le 03 septembre 2023) indique en sus, une forte exposition aux exigences émotionnelles, à une intensité du travail et temps de travail (rythme de travail soutenu, beaucoup d’informations à retenir sur chaque personne, horaires décalés, etc.), à une faible autonomie (pas de participation aux décisions d’organisation de son activité, etc.), à des rapports sociaux dégradés (relations avec les collègues, la hiérarchie, etc.), à des conflits de valeurs (vouloir accompagner dans la bienveillance mais devoir se dépêcher et faire à la place de la personne aidée) ou encore à une insécurité de la situation de travail (contrats précaires).
L’intervention en santé au travail (de prévention des risques psychosociaux ou de qualité de vie au travail) est donc pertinente à plus d’un titre dans ce secteur.
Pour autant, elle présente en elle-même de nombreuses difficultés. En effet, malgré la combinaison d’éclairages et de volontés (scientifiques, pratiques, juridiques et sociales), des limites sont toujours observées notamment pour passer à l’action transformatrice (Beque et al., 2017).
Les sciences sociales se questionnent entre autres sur les moyens à mobiliser pour soutenir le processus allant du diagnostic à la transformation durable (Guidou et Sarnin, 2021). Les entreprises cherchent elles aussi à expérimenter de nouvelles formes d’organisation (Detchessahar, 2019 ; Ughetto, 2018) pour inventer de nouveaux modes de management (Caillé et al., 2020 ; Coutrot, 2018) dans un double objectif de performance économique et sociale.
Enfin, dans le secteur social et médicosocial, une autre complexité existe du fait d’un renforcement des exigences de l’État et d’une politique de rationalisation des budgets (Santé et sécurité au travail, 2011). Ainsi, l’intervention au sein de ces milieux de travail se heurte au manque, voire à l’absence de marges de manœuvre des directions sur les dimensions budgétaires et organisationnelles (par exemple, les subventions déterminent le nombre et les profils des professionnels par dispositif, définissent le temps passé en « face à face avec les bénéficiaires », le temps disponible pour le travail préparatoire, d’analyse ou encore le temps pour les réunions cliniques).
Lorsque ces éléments se combinent à des difficultés de recrutement (problématique d’attractivité et d’absentéisme), les possibilités d’agir au niveau primaire s’en trouvent fortement réduites. C’est dans ce cadre que nous présentons une recherche-action menée au sein d’un service du secteur médicosocial.
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