Les salariées des métiers de l’aide à domicile, essentiellement des femmes, ont une intensité du travail un peu plus modérée par rapport aux autres salariées. Cependant, elles ont des horaires de travail très morcelés et atypiques : elles rencontrent ainsi des difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Travaillant en contact avec le public qu’elles aident, elles déclarent peu de tensions et d’agressions, mais des exigences émotionnelles et des conflits éthiques. Elles se sentent isolées par rapport aux collègues et à la hiérarchie, même si elles s’estiment plutôt reconnues pour leur travail.
Aide à domicile : des métiers très féminisés et souvent précaires
Les métiers de l’aide à domicile (qui englobent les « aides à domicile, aides ménagères, travailleuses familiales ») se sont largement développés depuis 30 ans pour répondre aux besoins du vieillissement de la population et de l’évolution des modes de vie familiaux.
Ils permettent aux personnes âgées ou handicapées de conserver une certaine autonomie tout en restant dans leur cadre de vie habituel. Ces métiers sont très féminisés et souvent précaires.
Alors que les actions de prévention (consignes de sécurité, formations, mises à disposition d’équipements, etc.) restent limitées, les salariées de ces métiers sont particulièrement exposées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Or, les facteurs psychosociaux augmentent le risque d’accident du travail et/ou de maladie professionnelle [1] et ont un impact sur la santé mentale.
L’étude « Risques psychosociaux chez les salariées de l’aide à domicile »
Cette étude propose d’identifier les risques psychosociaux des salariées des métiers de l’aide à domicile relativement aux autres salariées à partir des axes du rapport du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail
(encadré 1).
Elle a été réalisée dans le cadre du groupe de travail inter-institutions Mers (encadré 2) à partir des données de l’enquête Sumer 2017 qui repose sur l’expertise de médecins du travail volontaires et l’avis des salariés sur leur vécu de leur situation de travail (encadré 3).
L’enquête Sumer renseigne également sur les risques physiques, chimiques et biologiques (focus, en ligne). Son champ couvre l’ensemble des salariés suivis par la médecine du travail, en France hors Mayotte.
En sont exclues les salariées employées par des particuliers, qui représentent 1/3 des salariées de l’aide à domicile, ainsi que celles qui n’ont pas de contrat de travail, qui en représentent 1/10e. Les métiers de l’aide à domicile étant essentiellement féminins (à 95 % dans Sumer 2017), seules les femmes sont retenues dans l’analyse.
Les salariées de l’aide à domicile sont plus âgées que la médiane des salariées (49 ans contre 43 ans, tableau 1) et sont plus fréquemment de nationalité étrangère hors Union Européenne.
Leur ancienneté sur le poste est moins longue que celle des autres salariées (37 % ont moins de 3 ans d’ancienneté contre 23 %).
La plupart d’entre elles sont employées par des entreprises du secteur privé ou des organisations mutualistes, associatives ou coopératives et dans des établissements de 10 à 249 salariés.
Un temps de travail très morcelé
Les emplois du temps sont très fragmentés et les temps de repos réduits, alliant morcellement de l’activité professionnelle, horaires atypiques et temps partiel.
76 % des aides à domicile sont à temps partiel. 62 % ont choisi leur temps de travail, contre 85 % pour les autres salariées (tableau 2).
51 % n’ont pas les mêmes horaires tous les jours et 15 % ne connaissent pas leurs horaires une semaine à l’avance.
40 % ont des horaires coupés avec deux périodes de travail espacées de trois heures d’interruption ou plus, et 29 % n’ont pas 48 heures de repos consécutives.
Les salariées de l’aide à domicile sont davantage amenées à travailler, même occasionnellement, le samedi, le dimanche ou les jours fériés que les autres salariées (tableau 2). En revanche, elles sont deux fois moins concernées par le travail le soir (de 20 h à minuit) et la nuit (entre minuit et 5 h).
Une intensité du travail modérée
La charge psychologique du travail, mesurée par l’indicateur de demande psychologique de Karasek (encadré 1), est légèrement plus basse pour les salariées de l’aide à domicile que pour les autres salariées (tableau 8). La pression temporelle est moins importante pour elles, malgré le caractère plus morcelé du travail, car elles doivent moins souvent travailler très vite, et leur travail ne nécessite pas de longues périodes de concentration intense et n’est pas très « bousculé ».
Elles sont moins exposées aux contraintes de rythme : 14 % ont 3 contraintes de rythme1 ou plus contre 27 % pour les autres salariées.
Elles sont toutefois légèrement plus exposées « aux normes de production ou délais à respecter en une heure ou plus » et au « contrôle ou suivi informatisé ». Ce dernier est en effet facilité par les outils numériques pour contrôler leurs horaires et leur travail [3]. Par ailleurs, elles considèrent nettement moins que les autres salariées être interrompues avant d’avoir achevé leurs tâches (tableau 2).
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Télécharger l’intégralité de l’étude (Pdf) : « Peu de tensions avec les usagers mais une forte charge émotionnelle », « Un degré d’isolement important », « Des marges de manœuvre contrastées », « Un travail qui permet de développer les compétences », « Reconnaissance professionnelle : des sentiments contrastés », « Des situations de conflits de valeurs », « Une insécurité de la situation de travail ».
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1 – Le rythme de travail est mesuré à partir des contraintes suivantes : le déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce et/ou la cadence automatique d’une machine, d’autres contraintes techniques, la dépendance immédiate vis-à-vis du travail d’un ou plusieurs collègues, des normes de production ou des délais à respecter en une journée au plus, une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate, les contrôles ou surveillances permanents exercés par la hiérarchie, un contrôle ou un suivi informatisé.
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