Témoignage : « Téléconseillère pour une banque, j’ai vécu l’enfer des centres d’appels »

Stress Travail et Santé

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« Quand on se fait insulter une grande partie de la journée, on ne se sent à la hauteur d’aucune offre d’emploi, donc on n’ose même pas postuler », raconte cette jeune femme.

“Centre d’opposition, Clara à votre écoute bonjour”. Cette phrase, je l’ai répétée à peu près 7500 fois. Pendant 1 an et 4 mois, j’ai travaillé dans un centre d’appels, pour un grand groupe bancaire.

Quelques mois plus tôt, j’étais chargée de projet événementiel, pour mon stage de fin d’études. Virée par mail le premier jour du confinement, j’ai quand même obtenu mon Master 2 en communication. S’en est suivie une longue période de déprime, de journées entières passées en peignoir à zoner dans mon appartement. La communication était un secteur complètement bouché. À peine diplômée, je me retrouvais en concurrence avec des candidats expérimentés qui avaient eux aussi été congédiés pendant la crise sanitaire.

Alors j’ai cherché ailleurs, enfin, ma copine Lucie a cherché, et elle m’a envoyé une offre : téléconseillère clientèle pour une banque. Je candidate, je passe l’entretien, je fais la formation, et me voilà téléconseillère en septembre 2020.

Un bon début avant la descente aux enfers

Au début tout va bien, la banque pour laquelle je travaille détient des journaux, je m’occupe de la relation avec les abonnés. La moyenne d’âge de mes interlocuteurs est de 80 ans et ils appellent par dizaine dès 8 h du matin parce que leur journal n’a pas été livré dans les temps, ou parce que le livreur a roulé trop vite dans l’allée, ce genre de chose. Je me fais insulter toute la journée, mais je fais du 8 h –16 h tous les jours et je ne travaille pas le week-end donc ça me va.

En décembre, on m’annonce que je vais être formée en Opposition et Assistance Carte Bancaire. Un service ouvert 24 h/24, 7 j/7. Je commence à travailler le samedi, le dimanche et à faire des horaires biscornus: 12h –20 h un jour, 9h– 17 h le lendemain. J’ai des week-ends le lundi et le mardi, parfois le jeudi et le vendredi. Et les appels n’arrêtent pas. En presse, les personnes âgées n’appellent plus à partir de 11 h 30 : elles mangent, elles regardent le journal de 13 h et ils vont faire une sieste. En opposition, il n’y a pas d’heure, les gens perdent leur carte, le matin, le midi, au boulot, à la maison, en soirée, tout le temps.

Je ne sais pas si c’est comme ça partout, mais, là où je travaillais, les appels arrivaient automatiquement. Un appel/3 secondes/Un appel/3 secondes. Le seul moyen de ne pas en recevoir est de se mettre en “retrait pause”. Des pauses chronométrées, évidemment, pour être toujours plus productif. C’est comme ça que j’ai appris un fait très étonnant sur ma personne : en tapant un petit sprint en y allant et en revenant, en commençant à enlever ma ceinture sur le trajet et en zappant l’étape du séchage des mains, je mets 1 min 42 s à faire pipi. Ce fait s’est vérifié des dizaines, des centaines de fois : toujours 1 minute 42.

Vous l’avez compris, faire pipi c’est important, mais l’argent l’est encore plus ; c’est un environnement assez stressant, sans parler des clients. Quand on parle de cartes bancaires, on parle d’argent, et ça fait ressortir le pire de l’être humain.

Le pire de l’être humain

Fait n°1 : les gens ne t’écoutent pas. Le centre d’opposition porte bien son nom. Tu demandes le nom prénom, on te donne le prénom et le nom. Date et lieu de naissance ? Tu n’auras que la date. Si tu demandes l’adresse postale, tu n’auras que le code postal, mais si tu demandes l’adresse tout court, attends-toi à avoir une adresse mail. Quoique tu demandes, ton interlocuteur te donne l’exact opposé de ce dont tu as besoin.

Fait n°2 : au téléphone, tout est permis : insultes, attaques personnelles, humiliations, cris. Une personne qui perd sa carte et qui est donc 100% responsable de sa situation trouvera toujours le moyen de te mettre ça sur le dos. Des personnes probablement très calmes et civilisées dans la vie se transforment en petits cons arrogants en moins de 30 secondes.

Fait n°3 : la patience n’existe plus. Nous recevions des appels le dimanche, les jours fériés, le soir et cela semblait toujours inacceptable de ne pas pouvoir joindre son conseiller en agence un dimanche à 20 h. Ne pas avoir de solution à mon niveau, c’est ce qui me stressait le plus dans ce travail. Les gens deviennent fous, et vu qu’ils ne peuvent parler qu’à toi, tu deviens leur punching-ball : “Petite garce, bande de voleurs, incompétente”… et j’en passe.

Lire la suite, « La démission plutôt que le pétage de plomb« , et « Un gros turn-over« , sur le site www.huffingtonpost.fr

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