La crise morale que connait France Télévisions, où une vague de suicides mobilise les syndicats, ne fait qu’ajouter aux tensions qui agitent une entreprise traversée de conflits sociaux depuis quelques semaines. Le syndicat CFDT a adressé ce matin [20 mars 2015] au CSA une Lettre ouverte en forme de signal d’alarme. Un texte fort, entre suppliques, propositions et mises en garde.
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel,
Vous êtes actuellement très courtisés et sollicités par les candidats officiels, officieux ou non encore déclarés à la présidence de France Télévisions. Le législateur n’a pas prévu de donner aux représentants des salariés voix au chapitre dans le processus de désignation. Et c’est bien ainsi, puisque nous ne sommes pas organisés dans un système de cogestion.
Cependant, comme beaucoup de gens ont leur avis sur la question, voire leur favori et reçoivent dans leur cabinet ou leur antichambre, la CFDT-Médias, deuxième syndicat des salariés à France Télévisions, prend la plume pour vous faire part de leurs aspirations, de leurs envies mais aussi d’une grande exaspération devant la dérive d’un groupe et sa déshumanisation, alors même que l’humain est au cœur de nos métiers et de nos vocations.
Pour être très clair, dans la situation que nous traversons et à l’aurore de celle que nous pressentons, si l’on en croit les chiffres de déficit énorme qui circulent sous le manteau (plus de 300 M€ ?), l’état social de l’entreprise, l’absence de projet fédérateur, le bilan d’une présidence faible, les effets dévastateurs de la fusion, certains (es) oseraient considérer comme crédibles des candidatures de personnes qui ont contribué activement à faire de France Télécom-Orange un emblème national du management brutal et finalement mortifère.
Le week-end dernier, un collègue de France 3 Nancy s’est donné la mort sur le parking de la station. Les causes profondes de son geste sont bien sûr complexes. Pour autant, lundi, aucun cadre régional ou national, n’avait jugé bon de faire le déplacement auprès du personnel forcément choqué et en souffrance. Seul le directeur de la Qualité de Vie et de la Santé au Travail, s’est rendu sur place le dimanche. Qu’il en soit remercié.
C’est le sixième suicide officiellement recensé ces dernières années à France Télévisions.
Les recours contentieux s’empilent dans notre bureau. Les situations de stress extrême, les alertes de CHSCT, se multiplient partout dans l’entreprise. Beaucoup pour faire la lumière sur les attitudes, les agissements de certains cadres totalement hors de contrôle. La société provisionne plusieurs millions d’euros de contentieux chaque année dans ses comptes.
La réorganisation de l’entreprise due à la fusion imposée par Nicolas Sarkozy et jamais remise en cause, n’a toujours pas produit la moindre économie d’échelle mais cause de nombreux dégâts dans la vie quotidienne au travail des 10 000 salariés de France Télévisions qui n’ont pas, eux, la chance de pouvoir suspendre leur contrat de travail pour créer une société qui obtient le jour même des contrats… avec FTV.
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France Télévisions étant financée par l’argent du contribuable, elle devrait à ce titre, sinon être exemplaire, du moins vertueuse. Nous sommes loin du compte. Dans ce contexte, le rôle de vigilance des syndicats devient encore plus complexe, car, qui paye pour ces turpitudes, ces incuries, ces incompétences ? Le contribuable à un bout des chaînes, le salarié à l’autre.
Plan de départs bien volontaires, car généreux pour certains hauts cadres très proches de la retraite, pénurie de moyens pour faire de la télé mais pas pour la superstructure ni les cabinets de consulting, pression sur les salariés de base mais jamais de remise en cause des rentes de situations assises en fauteuil club. Il ne s’agit pas ici d’un discours populiste mais bien de la réalité.
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