La politique de formation aux différents métiers du travail social déraille depuis quelques années.
Le 15 décembre 2014, un rapport sur la refonte de ces métiers a été déposé par la Commission professionnelle consultative (CPC), instance consultative au sein du ministère des affaires sociales.
Ce groupe, presque à huis clos, sans réelle concertation avec les intéressés, préparait depuis près de deux années un projet de réforme sans précédent remettant en question les cadres historiques du travail social salarié.
Des réactions se sont fait entendre suite au dépôt de ce rapport en décembre 2014 et Mme Bourguignon, députée de la 6e circonscription du Pas-de-Calais, a été missionnée pour rencontrer un certain nombre d’acteurs. Elle remettra son propre rapport au premier ministre fin juin 2015.
Disparition de diplômes
Trois propositions majeures retiennent notre attention :
- Une diminution de l’offre avec la disparition d’un certain nombre de diplômes et la déqualification des métiers.
- Une régression dans la relation à l’autre puisque les actuels professionnels de niveau III (bac + 2) deviendraient des « coordinateurs de projets » (comme si le projet était une fin en soi et non l’outil qu’il est depuis longtemps !), la relation directe avec les publics accompagnés étant confiée à des personnels moins formés.
- Une réorganisation de la formation pratique avec une diminution drastique du temps de stage, tout en maintenant le principe de d’alternance !
Nous, enseignants universitaires, formateurs, chercheurs, etc., voulons dire haut et fort pourquoi la voie choisie n’est pas la bonne et pourquoi nous soutenons les professionnels, étudiants, formateurs qui aujourd’hui, au sein d’Avenir éducs, résistent à ce qui a pris le nom prétentieux et détestable de « réingénierie » ou pire encore de « refondation », de purs produits du managérialisme ambiant.
Le travail social n’est pas un service comme un autre, nulle part au monde il n’est soumis aux règles du commerce. Les professionnels ne sont pas les exécutants de dispositifs ou pire d’algorithmes qui auraient été concoctés en dehors d’eux. Ils sont et doivent rester coproducteurs du modèle social français.
Au contact des gens en difficulté
La noblesse de cette pratique tient à deux traits essentiels : d’une part, ce sont des professionnels aux prises avec des terrains et des situations toujours difficiles, là où les effets de la crise socio-économique sont les plus visibles, là où reculent le vivre ensemble et parfois la citoyenneté, s’agissant notamment des dits exclus, des jeunes désœuvrés ou des populations dont l’intégration est contrariée ; d’autre part, ils font ce que le citoyen ordinaire ne fait généralement pas, ils vont au contact des gens en difficulté, ils vivent parfois avec eux dans des institutions ad hoc, leur implication est remarquable, ils ont appris à « savoir s’y prendre », grâce notamment à la culture clinique qui caractérisait leur formation, jusqu’à ces dernières années.
Ce tableau globalement cohérent, qui ne demandait qu’à être consolidé pour mieux répondre aux nouveaux enjeux mais aussi pour continuer d’améliorer la qualité des réponses déjà à l’œuvre, est aujourd’hui mis à mal sur plusieurs plans.
Notre pays se caractérise d’abord par l’absence d’une doctrine globale pour l’action sociale depuis plus de 30 ans et, à ce titre, le rapport de la CPC témoigne d’une absence totale d’ambition politique, ne faisant que soumettre des propositions techniques face à une réalité qu’il caricature.
Manifestement, les « simplifications » concernant la fusion des métiers et les réductions de la formation répondent avant tout à une rationalité organisationnelle, au service des employeurs, en évitant soigneusement de penser de façon éthique la question de l’accompagnement et de l’aide qu’il faut mettre en œuvre au profit de personnes en difficulté.
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