Le cyclone Weinstein a libéré la parole des victimes et changé le regard des conseillers jugeant les cas de harcèlement sexuel au travail.
Il y a un an éclatait l’affaire Harvey Weinstein, ce producteur de cinéma américain accusé de harcèlement sexuel, d’agression et de viol. Rapidement, d’autres femmes sortaient à leur tour du silence pour dénoncer ces pratiques. Le mouvement #MeToo [moi aussi] était lancé.
Jusqu’alors, les prud’hommes jugeaient peu de dossiers pour harcèlement sexuel. Quant à ceux qui échappaient au silence, ils semblaient poser problème aux juges. « Il est déjà arrivé qu’un conseiller prud’homal affirme que le fait qu’un supérieur appelle sa subordonnée ‘ma chérie’ ou ‘ma choupette’ n’avait rien d’anormal ou de choquant », déplorait il y a un an l’avocat Frédéric Chhum.
ENQUÊTE >> Le harcèlement sexuel au travail, un tabou pour les prud’hommes
Difficile de mesurer aujourd’hui la libération de la parole des femmes dans le monde du travail au regard du nombre de dossiers portés devant les prud’hommes. La baisse du nombre de contentieux porté devant cette juridiction ne signifie pas que le pourcentage des faits de harcèlement n’ait pas augmenté.
« L’accueil aux prud’hommes a changé »
Pour Marylin Baldeck, déléguée générale de l’AVFT (Association contre les violences faites aux femmes au travail), qui a obtenu, en 1992, l’inscription du délit de harcèlement sexuel dans le code pénal, le combat se poursuit: « Les saisines des victimes ont doublé entre 2015 (quand éclate l’affaire Baupin, ce député écologiste accusé d’avoir harcelé des collaboratrices, ndlr) et 2017. Le scandale Weinstein a coïncidé avec une saturation de l’activité. Les ressources humaines n’ont plus suffi à faire face. 222 femmes ont demandé l’an passé à l’association de les soutenir sur le plan juridique ».
Spécialiste des discriminations au travail, l’avocate Maude Beckers se félicite de victoires symboliques. Cette année, elle a fait condamner La Poste par les prud’hommes à payer 127 000 euros à la victime et à afficher le jugement dans toutes ses entités. Ou, devant le tribunal correctionnel, un employeur pour des comportements exhibitionnistes envers une salariée en situation de handicap.
« Aux prud’hommes, l’accueil a changé, confirme-t-elle. L’écoute est là, c’est moins délétère qu’à une époque et on n’entend plus ces réflexions de la partie adverse ou de conseillers: ‘ça va, il y a pire…’ ou ‘c’est de la drague un peu lourde’. Lorsque je montre que le harcèlement se traduit par le sentiment de toute puissance et de domination sur la victime, je ne passe plus pour une féministe hystérique! »
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