Travail : les ambivalences de la motivation

24 novembre 2018 | Burn Out, Stress Travail et Santé

Stress, burnout, fatigue, démotivation, ennui : les « risques psychosociaux » ont ouvert un domaine de recherche fécond sur le terrain du travail et de l’entreprise.

On parle même de « fatigue studies » dans le mensuel Sciences Humaines qui consacre un dossier à la motivation au travail. Philippe Zawieja, psychosociologue spécialiste de l’épuisement professionnel, explique que les phénomènes apparemment opposés du burnout lié au stress et du boreout lié à l’ennui de tâches dénuées de sens, trouvent leur dénominateur commun dans la fatigue, « que ce soit par sous-stimulation ou par surcharge ». La fatigue étant un vécu éminemment personnel, le chercheur en santé au travail à Mines-ParisTech plaide pour « une approche subjective et qualitative » contre la « tentation rationaliste, voire positiviste, d’absolument tout quantifier sur un sujet pareil ». D’autant que si les études sur le stress ou le burnout sont nombreuses, elles « ne sont pas facilement comparables ». D’où l’intérêt de l’approche des studies anglo-saxonnes, qui sont pluridisciplinaires. « Dire le travail » est le nom de la coopérative animée par Nathalie Bineau et Patrice Bride, et dont l’objectif est de mettre en lumière « le rapport subjectif que chacun entretient avec son travail ». Pour eux « s’exprimer sur le travail aide à prendre conscience de ses motivations ». Mais là est aussi le piège tendu par les « nouveaux codes du management ». Daniel Mercure analyse la montée en puissance de la DRH dans les entreprises : « De service fonctionnel voué à l’embauche et à la rémunération, elle est devenue l’un des pivots de la planification stratégique. » En particulier dans un contexte où celle-ci est commandée « par les exigences de rendement des actionnaires ».

Le salarié, « acteur assigné »

Flexibilité et polyvalence sont devenus les maîtres-mots de la « gestion en flux tendus ». Le sociologue décrit le passage du modèle fordiste de l’agent « mobilisé par des facteurs de motivation extrinsèques à la tâche : le salaire et les conditions de travail », à celui de « l’acteur assigné » qui développe « un lien étroit entre le développement personnel et celui de l’organisation », sur la base de « l’alignement des valeurs personnelles à la mission de l’entreprise ». S’il est vrai que certaines grandes entreprises, dans le domaine des technologies avancées ou de la communication, offrent à leur salariés une contrepartie à la flexibilité en termes de rémunération différenciée, d’avantages sociaux personnalisés, d’horaires et de localisations flexibles pour concilier la relation travail-vie privée, on sait que cela peut se traduire par une sujétion renforcée, et de nouvelles formes de contrôle très intrusives, dominées notamment par « l’autorité froide » des data control qui mesurent les performances : « la satisfaction du client, la mesure des coûts, le rendement, la qualité du service, les relations avec les collègues, l’évaluation des salariés à 360° (par les collègues, leurs supérieurs, les subordonnés et par soi-même) ». Des pratiques de mobilisation subjective au travail qui ont aussi pour effet de détourner chacun « des visées d’action collective des syndicats ».

« New management »

Dans Le Monde diplomatique Alain Deneault éclaire la face obscure du « new management ». C’est en effet pour les « partenaires » subalternes, l’injonction permanente à « atteindre des objectifs irréalistes, développer des méthodes de vente dégradantes, se donner des formations d’appoint, rivaliser pour se caser dans de nouveaux organigrammes, acquérir de nouvelles compétences sous peine d’être laissés sur le carreau ». L’auteur de Gouvernance. Le management totalitaire (Lux) revient sur l’affaire France Télécom lors de sa privatisation, avec les suicides de dizaines d’employés qui valent aujourd’hui à ses dirigeants de l’époque de comparaître devant la justice pour harcèlement moral. Le « petit chef déviant et toxique », sniper des ressources humaines nommé par eux pour mettre en œuvre la méthode du « ranking forcé », s’est depuis lors confié à des journalistes – notamment de notre chaîne. « Son métier consistait à pousser systématiquement vers la porte un certain pourcentage de son personnel jugé moins efficace. » Dans le jargon du new management, ça s’appelle « revitaliser »…

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