Le secret des correspondances est l’objet d’une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans l’arrêt Nikon, a consacré un droit pour le salarié « même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée » en précisant que cette intimité « implique en particulier le secret des correspondances » (Cass. soc. 2 octobre 2001 n°99-42.942).
Elle en conclut, dans cet arrêt, que « l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».
Par la suite, la Cour de cassation a modifié cette position : transposant aux nouvelles technologies la règle qu’elle a édictée pour la fouille des vestiaires selon laquelle, sauf risque ou événement particulier, l’employeur peut contrôler le vestiaire du salarié à condition de le faire en sa présence ou après l’avoir dûment averti (Cass.soc. 15 avril 2008, n°06-45.902), la chambre sociale de la Cour de cassation a en effet jugé que « sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les messages identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé » (Cass.soc., 17 juin 2009 n°08-40.274).
Puis, la Cour de cassation est allée encore un peu plus loin en érigeant une véritable présomption de caractère professionnel aux courriels adressés ou reçus par le salarié sur son ordinateur professionnel.
Elle avait ainsi jugé que « les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels » (Cass.soc., 26 juin 2012, n°11-15.310 ; voir également Cass.soc., 16 mai 2013, n°12-11.866).
Le caractère professionnel
Cette présomption de caractère professionnel a été appliquée par la Cour à d’autres utilisations faites par le salarié de l’outil professionnel, notamment les connexions Internet (Cass.soc., 9 juillet 2008, n°06-45.800), la clé USB personnelle connectée à l’ordinateur professionnel (Cass.soc., 12 février 2013, n°11-28.649), les textos envoyés ou reçus par le salarié, au moyen du téléphone portable professionnel (Cass.com., 10 février 2015 n°13-14.779).
Dans tous ces cas, l’outil est purement professionnel (ordinateur ou téléphone professionnel) ou professionnel « par destination » (clé USB personnelle connectée à l’ordinateur professionnel). Et c’est ce caractère professionnel de l’outil qui permet d’appliquer cette présomption.
Bien évidemment, cette présomption n’autorise pas l’employeur à utiliser ce courrier électronique s’il s’avère être une correspondance personnelle bien que ne comportant pas de mention l’identifiant comme tel. Dans ce cas, le salarié peut faire valoir que l’employeur ne pouvait pas l’utiliser pour le produire en justice (Cass.soc., 18 octobre 2011 n°10-25.706 ; Cass.soc., 10 mai 2012 n°11-11.252) ou le sanctionner (Cass.soc., 5 juillet 2011 n°10-17.284).
Courriel identifié comme étant personnel
Il en résulte que le salarié peut obtenir l’inopposabilité du courriel trouvé sur son ordinateur professionnel dans deux cas : soit lorsque le courriel était en réalité identifié comme étant personnel ; soit, s’il n’était pas identifié comme personnel, lorsque son contenu atteste qu’il s’agit bien d’une correspondance privée.
Dans un arrêt du 26 janvier 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation met en exergue un troisième cas : lorsque le courriel trouvé sur l’ordinateur professionnel provient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle. Dans cette nouvelle affaire, l’employeur avait produit une pièce constituée de deux courriels trouvés sur le disque dur de l’ordinateur professionnel de la salariée.
La salariée avait alors fait valoir que cette pièce portait atteinte au secret des correspondances au motif qu’il s’agissait d’un échange de courriels reçus et envoyés depuis son adresse de messagerie personnelle. La salariée a obtenu le rejet de cette pièce de la Cour d’appel qui constate que, bien que provenant de l’ordinateur professionnel, il s’agit d’un échange de courriels reçus par la salariée sur sa boîte de messagerie personnelle et émanant d’adresses privées non professionnelles.
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