Les incidences économiques de l’action pour le climat : focus sur le marché du travail

Mise à jour le 30 mai 2023 | Emploi et Chômage

Les effets de la transition écologique sur le niveau agrégé d’emploi seront relativement faibles. Toutefois, la transition devrait s’accompagner d’une réallocation relativement importante de la main-d’œuvre à la fois entre secteurs et au sein des secteurs clés de la transition.


Rapport thématique de la DARES issu de la mission présidée par Jean Pisani-Ferry


La transition écologique va entraîner des chocs significatifs sur le marché du travail. Si la littérature économique s’est jusqu’ici plutôt concentrée sur les effets sur le niveau de l’emploi, le rythme de l’ajustement du marché du travail et l’ampleur des frictions associées ont encore été peu abordés. Pourtant, ces dimensions apparaissent au moins aussi importantes pour apprécier l’ampleur des transformations qu’il faudra accompagner au cours des prochaines décennies. Celles-ci dépendront pour beaucoup d’un ensemble de facteurs : l’importance des réallocations d’emploi, l’horizon retenu, l’évolution des compétences requises ou encore la modification de la géographie des activités. Dès lors, cette étude vise à apporter des éclairages sur ces différentes dimensions à partir des travaux existants. De fortes incertitudes demeurent néanmoins, liées notamment au scénario de la transition lui-même et aux politiques qui l’accompagneront qui affecteront les (dés)équilibres sur le marché du travail.

Les résultats des travaux recensés semblent montrer que les emplois directement impactés par la transition écologique ne représenteront qu’une part relativement limitée de l’emploi total – même si, au niveau des secteurs les plus impactés, la dynamique et les tensions associées pourront être importantes à court terme. Ces constats traduisent notamment la forte concentration des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur quelques secteurs (comme l’agriculture, l’énergie, la construction, le transport et l’industrie) qui seront naturellement les plus impactés par la transition. Toutefois, les effets indirects pourraient être potentiellement plus importants du fait à la fois de la concentration territoriale de certains secteurs comme l’énergie (avec des impacts négatifs sur l’ensemble des activités des territoires les accueillant) et de leur insertion dans des chaînes de valeur (avec des effets en cascade sur les sous-traitants, comme pour l’industrie ou les transports). 

À moyen et long terme, les effets sur l’emploi seront en partie dépendants de notre capacité à anticiper ces effets négatifs de court terme et à accompagner la réallocation de la main-d’œuvre concernée vers des secteurs porteurs, mais également des réorientations productives qui permettront de créer de nouveaux emplois en lien avec la décarbonation de l’économie (dans l’agriculture écologique, l’industrie décarbonée, les mobilités actives et la rénovation des bâtiments notamment).

En ce qui concerne le niveau de qualification de la main-d’œuvre et une éventuelle polarisation du marché du travail entre métiers peu et très qualifiés, les scénarios étudiés suggèrent plutôt un effet limité de la transition bas carbone. Les métiers les plus en croissance seraient notamment les ouvriers qualifiés du bâtiment, qui se situent plutôt au milieu de la distribution des qualifications. Par ailleurs, dans les secteurs concernés par des destructions d’emplois, la transition écologique concernerait aussi bien des emplois d’ouvriers comme des emplois d’ingénieurs et cadres, comme dans l’industrie ou les transports. Les créations d’emplois concerneraient également toute l’échelle des qualifications, voire impliqueraient une montée des qualifications (comme dans la valorisation des déchets). En matière de compétences, les tensions dépendront en grande partie de la capacité à anticiper les besoins liés à la transition écologique : si certaines compétences fortement mobilisées dans les activités carbonées auront du mal à être réemployées dans d’autres activités (par exemple dans le transport aérien, voir l’étude réalisée par le cabinet Secafi ), d’autres pourraient être réutilisées relativement facilement dans des activités moins émettrices (par exemple dans l’énergie où certaines compétences dans les secteurs pétroliers et gaziers pourraient basculer vers des métiers dans le renouvelable ou dans les mobilités décarbonées). Dans le secteur du bâtiment, déjà en forte tension, l’adaptation de la formation des travailleurs aux compétences nécessaires pour la rénovation des bâtiments permettrait à la fois de répondre aux besoins croissants du secteur conformément aux objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone et d’offrir des opportunités aux travailleurs en place.

La dimension géographique des réallocations mérite une attention particulière dans la mesure où une partie des métiers qui bénéficieront de la transition rencontrent déjà actuellement des difficultés de recrutement pour partie liées à une inadéquation géographique entre offre et demande de travail. Les évolutions de la répartition des activités sur le territoire dans le cadre de la transition seront a priori assez différentes suivant les secteurs concernés. Si les exemples étrangers suggèrent que le développement d’activités de réassemblage permettrait de maintenir ou de développer des emplois dans quelques bassins d’emploi industriels, certaines filières très concentrées territorialement pourraient voir leur emploi se réduire assez nettement (par exemple dans l’automobile en l’absence de gains de parts de marché importants).

Le développement de l’économie circulaire ou des circuits courts devrait s’accompagner d’une répartition plus équilibrée territorialement des emplois, de même que la croissance de l’agroécologie. Les créations d’emplois dans le bâtiment ou la rénovation devraient également être relativement réparties sur le territoire en lien avec le bâti existant. D’une manière générale, les trajectoires qui reposeraient davantage sur la sobriété semblent devoir conduire à une répartition géographique un peu plus équitable que ceux reposant davantage sur des options technologiques pour lesquels les facteurs d’agglomération resteraient encore largement à l’œuvre, comme l’illustrent les quatre scénarios de l’Ademe.

Enfin, la transition pourrait contribuer à assez court terme à accroître les tensions de recrutement sur des métiers qui en connaissent déjà (ouvriers du travail du bois, personnels d’étude et de recherche, techniciens, agents de maîtrise et cadres du bâtiment et des travaux publics, etc.), notamment du fait de conditions d’emploi de mauvaise qualité.

Au total, la transition écologique devrait donc, sans bouleversement majeur, augmenter les besoins de réallocations entre métiers et renforcer les difficultés existantes sur le marché du travail en raison de l’inadéquation entre demande et offre pour certains métiers (par exemple en termes de qualification), des besoins de mobilité professionnelle et géographique ou encore de l’attractivité insuffisante de certains métiers. En conséquence, les politiques publiques devront donc être adaptées pour répondre à ces nouveaux enjeux, principalement dans leur volet anticipation des mutations et accompagnement des travailleurs, pour s’assurer que les objectifs de transition écologique aillent de pair avec développement de l’emploi (de qualité).

Télécharger le dossier Les incidences économiques de l’action pour le climat : focus sur le marché du travail (PDF, 1.67 Mo)


Travail et climat


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