Qu’en est-il du travail ? Quel sens lui donner aujourd’hui ? Dans une société où le travail rend malade, c’est en interrogeant l’ensemble du contexte socio-économique que l’on peut comprendre les transformations récentes du sens du travail. Les jeunes en sont conscients et c’est bien eux qui sauront réhumaniser les rapports au travail.
Il y a un contexte général délétère qui rend les travailleurs malades du travail. Depuis les années 1970, le néolibéralisme s’est imposé dans le monde à la grâce de ses bras armés, le FMI (1) et l’OCDE (2). Cette « théorie » originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens d’être « totémisée », tout comme une majorité d’économistes pensent que le marché a toujours raison.
C’est un discours difficile à combattre parce qu’il a pour lui toutes les forces d’un monde de rapports de force. Il oriente les choix économiques de ceux qui dominent les rapports économiques. Au nom de ce programme « scientifique », converti en programme politique d’action, s’accomplit un immense travail politique (dénié par le politique) qui vise à créer les conditions de réalisation et de fonctionnement de la « théorie » d’un programme de destruction méthodique des collectifs, d’une politique de baisse des coûts de la main-d’œuvre, de réduction des dépenses publiques et de la flexibilisation de l’activité (3).
Une partie de ce programme, extirpée de la science des gestionnaires, consiste à déployer dans les entreprises de nouvelles formes de « management » qui aggravent davantage les conditions de travail précédentes (taylorisme, fordisme et autre toyotisme). Elles mènent toutes au déni de la valeur travail, en contradiction radicale de toutes les valeurs héritées du siècle des Lumières.
Cela conduit au désastre dans certaines professions : « Face à la dégradation des conditions de travail, à la perte de sens à l’hôpital, à la maltraitance institutionnelle induite par le sous-effectif, 30 % des jeunes diplômés abandonnent la profession infirmière dans les cinq ans qui suivent le diplôme », précise Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers, SNPI CFE-CGC, en février 2019.
« 60 % des infirmières indiquent ne pas pouvoir exercer selon l’idéal qui les animait au départ. La détresse éthique apparaît quand on connaît la bonne qualité de soins à donner, mais que des contraintes institutionnelles ou organisationnelles empêchent d’agir en ce sens (4). »
Comme l’écrit Jean Ziegler :
« Au-dessus des gouvernements, des parlements, des juges, des journalistes, des syndicats, des intellectuels, des Églises, des armées, des scientifiques règnent ainsi les marchés financiers (5) »,
et plus loin :
« La main invisible du marché décide chaque jour qui va vivre et qui va mourir. Les prédateurs triomphent. Ils imposent la privatisation au monde (6). »
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Notes
- Fonds monétaire international.
- Organisation de coopération et de développe- ment économiques.
- P. Bourdieu, « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, mars 1998.
- http://www.syndicat-infirmier.com/Infirmiers-30- des-nouveaux-diplomes-abandonnent-dans-les-5-ans.html
- J. Ziegler, Les nouveaux maîtres du monde, et ceux qui leur résistent, Paris, Points, 2002, p. 127.
- Ibid., p. 282.
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