Cour de cassation – Chambre sociale
28 novembre 2007
Association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME)
Cassation
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris 14e chambre section B 3 novembre 2006
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Sources :
Références au greffe :
-Arrêt n°2466
-Pourvoi n°06-21.964
Références de publication :
http://www.lexbase.fr/
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La décision :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par l’association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME), dont le siège est 5-9 rue Van Gogh, 75012 Paris,
contre l’arrêt rendu le 3 novembre 2006 par la cour d’appel de Paris (14e chambre, section B), dans le litige l’opposant :
1°/ au comité d’entreprise de l’association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME), dont le siège est 5-9 rue Van Gogh, 75012 Paris,
2°/ au Comité d’hygiène, de sécurité et conditions de travail de l’association pour la gestion du groupe Mornay Europe, dont le siège est Tour Mornay, 5-9 rue Van Gogh, 75012 Paris,
3°/ au syndicat des organismes sociaux divers et divers de la région parisienne FO (OSDDRP-FO), dont le siège est 3 rue du Château d’Eau, 75010 Paris,
4°/ au syndicat CGT des employés du groupe Mornay, dont le siège est 12 rue de Chaligny, 75012 Paris,
5°/ à la Fédération de la protection sociale du travail et de l’emploi CFDT, dont le siège est 2-8 rue Gaston Rebuffat, 75019 Paris,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article L. 131-6-1 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 23 octobre 2007, où étaient présents : Mme Collomp, président, M. Béraud, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Bailly, Chauviré, Mmes Morin, Perony, MM. Linden, Moignard, conseillers, MM. Funck-Brentano, Leblanc, Mmes Manes-Roussel, Grivel, Bobin-Bertrand, Martinel, Divialle, Pécaut-Rivolier, Darret-Courgeon, conseillers référendaires, M. Aldigé, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de l’association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME), de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat du comité d’entreprise de l’AGME, du CHSCT de l’AGME, du syndicat OSDDRP-FO, du syndicat CGT des employés du groupe Mornay et de la Fédération de la protection sociale du travail et de l’emploi CFDT, les conclusions de M. Aldigé, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’association pour la gestion du groupe Mornay Europe (AGME) employant 2 300 salariés a, en juin 2005, saisi pour consultation le comité d’entreprise d’un projet d’évaluation du personnel au moyen d’entretiens annuels ; que ce dernier ainsi que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des organisations syndicales ont saisi le juge des référés pour qu’il soit fait défense à l’employeur de mettre en oeuvre le projet tant que le CHSCT n’aurait pas été consulté et tant que le traitement des données à caractère personnel recueillies au cours de ces entretiens n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;
Sur le second moyen ;
Attendu que l’AGME fait grief à l’arrêt de lui avoir fait interdiction de mettre en application le projet concernant les entretiens annuels d’évaluation des salariés tant qu’elle n’aura pas recueilli l’avis du CHSCT et transmis cet avis au comité d’entreprise, alors, selon le moyen :
1°/ qu’un simple risque de tension, de stress ou de pression psychologique imputé par l’arrêt à la pratique courante des entretiens d’évaluation n’est pas de nature à compromettre la santé physique ou mentale des travailleurs au sens de l’article L. 236-2, alinéa l, de sorte que viole ce texte par fausse application, l’arrêt qui décide que la mise en œuvre du projet relevait des compétences du CHSCT ;
2°/ que la consultation préalable du CHSCT n’est obligatoire que dans le cas où la décision de l’employeur concerne un aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; que le fait pour un employeur d’évaluer le travail des salariés placés sous son autorité est inhérent à la relation de travail ; que dès lors, la décision d’instituer un cadre objectif et transparent à ce processus d’évaluation en mettant en place des entretiens individualisés des salariés ne constitue pas un aménagement important des conditions de travail, de sorte qu’en décidant du contraire et en jugeant que la mise en œuvre de ce projet nécessitait de la part de l’AGME la consultation préalable du CHSCT cumulativement avec celle du comité d’entreprise, la cour d’appel a violé l’article L. 236-2, alinéa 7 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut s’immiscer dans le pouvoir de direction de l’employeur ; qu’en l’espèce, l’AGME avait prévu d’écarter toute incidence directe entre les entretiens annuels d’évaluation et les décisions concernant la rémunération des salariés ; qu’en décidant cependant que le projet envisagé aurait comporté un lien « nécessaire » et « évident » sur la rémunération du salarié, la cour d’appel a substitué son appréciation à celle de l’employeur quant au contenu et à la portée de ce projet et a ainsi méconnu son office, violant de plus fort les dispositions de l’article L. 236-2 du code du travail ;
4°/ que l’article L. 236-2 ne retient l’incidence éventuelle sur la rémunération des travailleurs que dans le cas où celle-ci est consécutive à une modification des cadences et des normes de productivité et que viole dès lors, par fausse application, ce texte, l’arrêt qui estime que l’incidence éventuelle du projet de l’AGME sur la rémunération suffirait, à elle seule et en l’absence de ces autres éléments, à rendre obligatoire la consultation du CHSCT ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les évaluations annuelles devaient permettre une meilleure cohérence entre les décisions salariales et l’accomplissement des objectifs, qu’elles pouvaient avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités et les enjeux de l’entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a exactement décidé que le projet de l’employeur devait être soumis à la consultation du CHSCT chargé, par application de l’alinéa 1 de l’article L. 236-2 du code du travail, de contribuer à la protection de la santé des salariés ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, et les articles 1er et 3 de la norme simplifiée n° 46 adoptée par la CNIL le 13 janvier 2005, modifiée le 17 novembre 2005 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL, et que, en vertu des seconds, les traitements automatisés relatifs à l’évaluation professionnelle des salariés font l’objet d’une déclaration simplifiée ;
Attendu qu’en faisant interdiction à l’AGME de mettre en application le projet d’entretiens annuels d’évaluation de ses salariés tant que le traitement des données à caractère personnel recueillies au cours de ces entretiens n’aura pas fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL sans constater que ces données sont destinées à faire l’objet d’un traitement automatisé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a fait interdiction à l’AGME de mettre en application le projet d’entretiens annuels d’évaluation tant qu’elle n’aura pas justifié auprès du comité d’entreprise de la déclaration simplifiée auprès de la CNIL, l’arrêt rendu le 3 novembre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille sept.
Approche Jurisprudentielle des Risques Psycho-Sociaux
En pdf, les décisions de jurisprudence sur les risques psychosociaux.