Entreprise : Les salariés posent des jours quand ils veulent… Les « congés illimités », ça fonctionne vraiment ?

Stress Travail et Santé

Partager cet article :

Si le concept de prendre des vacances « à volonté » peut séduire, il a aussi « ses limites », selon un psychologue du travail. Un article de Élise Martin pour le journal 20 Minutes.


Sébastien HOF, Psychologue du travail et Psychothérapeute, est Référent Bourgogne Franche-Comté du Réseau Européen consultations spécialisées Souffrance et Travail.


L’essentiel

  • Plusieurs entreprises françaises comme Yes We Dev, PopChef ou Anikop ont mis en place le concept de « congés illimités », permettant à leurs employés de prendre autant de vacances qu’ils souhaitent et quand ils le souhaitent.
  • Le psychologue du travail Sébastien Hof pointe certaines limites à ce système, qui dépend de nombreuses conditions et peut générer des inégalités entre salariés selon leur charge de travail.
  • D’après lui, les « congés illimités » relèvent plus d’un marketing que d’une réalité, la plupart des salariés continuant à prendre cinq à six semaines de congés par an.

Poser des jours quand on veut et autant qu’on veut, sans limite… Depuis quelques années, ce concept de « vacances à volonté », développé dans les années 2000 aux États-Unis, a séduit de plus en plus d’entreprises à travers le monde. Et la France n’y échappe pas. Yes We Dev à Rennes, Popchef à Paris ou encore Anikop à Lyon… Même si elles sont peu nombreuses, plusieurs entreprises ont tenté l’expérience ces dernières années. Alors, ça marche vraiment, les congés illimités ?

« Tout le monde devrait faire pareil »

Mélanie, cheffe de produit depuis cinq ans chez Anikop, une entreprise d’informatique, affirme être « beaucoup moins stressée » depuis la mise en place des « congés libérés ».

« En cas de besoin, je sais que je peux prendre un jour sans devoir compter ce qu’il me reste », détaille-t-elle. Elle apprécie particulièrement ce concept depuis qu’elle est devenue mère : « Ça m’a retiré une énorme charge mentale pour organiser ma vie privée et professionnelle ». Pour l’instant, elle a « beau chercher », elle ne trouve « aucun point négatif ».

Même constat pour son collègue Philippe, 56 ans. Selon lui, « tout le monde devrait faire pareil ». « Grâce à cette dynamique collective, on vient au travail pour le plaisir de faire tourner la boîte », souligne-t-il. Ce dernier vient d’ailleurs de poser quelques jours pour souffler. « Je vais partir en évasion à moto », indique-t-il en souriant.

Nicolas Perroud va dans la même direction. « Jamais je ne reviendrai en arrière », assure le dirigeant de cette entreprise. Il a instauré ce principe en 2021. Depuis, il n’existe « plus aucun outil de contrôle », mais une charte morale conçue par la trentaine de collaborateurs pour gérer la prise de congés. « Si une personne souhaite prendre cinq jours, elle prévient cinq jours en avance et c’est validé automatiquement [le délai de prévention est proportionnel au temps d’absence prévu]. C’est super fluide ! », affirme-t-il, répétant qu’il a « une totale confiance » en ses collègues. De son côté, il se retrouve avec « moins de charges administratives » et « une boîte en croissance constante ».

Des congés illimités oui, mais sous conditions

Chez Popchef aussi, le modèle perdure, sept ans après sa mise en place. Pour Clara, employée dans la boîte parisienne, le « plus grand avantage », c’est « la liberté de poser quand [elle veut] ».

« En réalité, on est très peu à prendre au-delà des cinq semaines légales », affirme la responsable communication. Selon la direction des ressources humaines, depuis 2017, les salariés prennent en moyenne une semaine supplémentaire de vacances, donc six. Et en 2023, ils n’ont pris qu’un jour en plus du minimum légal. « On était sur une phase de forte croissance », justifie Clara.

Car contrairement à Anikop, l’option des congés illimités a été « conditionnée » en fonction de l’activité et des objectifs atteints dans cette société de services de restauration. « On part une fois que le travail est fait », résume Clara, en précisant que la validation des vacances reste aussi à la charge d’un manageur. Pour elle, il existe « un seul » point négatif :

« La mesure peut générer des inégalités entre certains salariés, puisque le travail n’est pas le même en fonction des services. Les personnes en équipe support n’ont pas les mêmes obligations que celles qui sont sur le terrain. »

Les limites des congés illimités

Les congés illimités auraient donc… des limites ?

D’après Sébastien Hof, psychologue du travail, le concept dépend de « trop de conditions » à juxtaposer. « La taille de la boîte, le type de job, la manière de s’organiser entre collègues », énumère-t-il. Avant d’enchaîner :

« Dans tous les cas, l’employeur attendra toujours de la production de la part de ses collaborateurs. Un salarié peut donc se retrouver à prendre moins de congés que les autres parce qu’il n’a pas réussi à atteindre les objectifs. »

C’est ce qu’il s’est passé pour Yes We Dev. Après trois ans d’expérimentation, la PME rennaise a renoncé aux vacances à volonté. « Personne n’en profitait réellement, si ce n’est un ou deux salariés », avait confié en 2020 le président, Charles Dupoiron, interrogé par Pour l’éco.

Sébastien Hof, également membre du réseau national de consultation « souffrance et travail », ne voit donc pas comment « le principe peut fonctionner de manière saine ». « Il incite à bosser à des moments ou des endroits où les employés ne devraient pas le faire, souligne-t-il

Lire la suite sur le site www.20minutes.fr

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.