Plusieurs publications parlent des entreprises qui laissent (ou même demandent aux) employés de se déconnecter après les heures de bureau. Un phénomène intéressant, à retrouver dans le Figaro et sur Rue89.
IG Metall veut la fin des mails après le bureau
Le puissant syndicat IG Metall a appelé aujourd’hui le futur gouvernement allemand à légiférer pour empêcher que les salariés ne soient dérangés par des e-mails ou des SMS en dehors de leurs heures de travail.
« Le nouveau gouvernement allemand se doit de légiférer pour protéger les salariés du stress », a déclaré Detlef Wetzel, le président nouvellement élu du syndicat, à l’AFP.
L’un des moyens pour ce faire est « de garantir que les salariés n’aient pas à être joignables par leur entreprise 24 heures sur 24 par e-mail ou SMS », a-t-il ajouté, confirmant des propos tenus sur le site internet du quotidien populaire Bild.
« Terminer sa journée de travail, ainsi qu’avoir du temps libre, est un droit », a ajouté M. Wetzel, dans cet entretien à Bild, alors que les conservateurs de la chancelière Angela Merkel et le Parti social démocrate (SPD) sont tombés d’accord cette semaine sur un programme de coalition gouvernementale.
Retrouvez l’article sur le site du Figaro.
Quand les patrons forcent les salariés à déconnecter hors du bureau
Répondre aux mails et appels pro la nuit ou en congés, c’est souvent la règle. Des boîtes ont compris l’intérêt de laisser leurs salariés souffler, quitte à les y obliger.
Pascal – c’est un pseudo – a eu une idée qui peut paraître toute simple. DRH dans une entreprise de 1 000 salariés du secteur paramédical, il a voulu interdire e-mails et SMS pendant les vacances, pour « imposer une vraie coupure » :
« Je voulais également former les personnels à un usage pertinent des ordinateurs, portables, tablettes. Pour leur permettre d’avoir un peu de recul sur leur job, et d’apporter une véritable valeur ajoutée à l’entreprise. C’était un moyen de les sortir du rôle de simples cadres urgentistes incapables de produire une réflexion à moyen et long terme parce qu’ils sont noyés sous une avalanche de mails et SMS. »
La réponse des directeurs fut claire et négative.
La proposition n’était pourtant pas saugrenue. Les salariés sont de plus en plus accros aux nouvelles technologies et estiment que, puisqu’ils peuvent être joints, ils doivent être joignables en permanence. Aux Etats Unis, seuls 2% des salariés débranchent leurs appareils électroniques durant les vacances, selon un sondage réalisé par Leslie A. Perlow, professeur de leadership à la Harvard Business School (sondage, non disponible en ligne, effectué auprès de 1 600 salariés).
Pour la chercheuse, une seule solution : que les entreprises encadrent, voire imposent la désintoxication.
Une soirée par semaine sans téléphone
L’auteure de « Dormir avec votre smartphone » a joint les actes à la parole. Elle a d’abord contacté le Boston Consulting Group, cabinet international de conseil en management et en stratégie d’entreprise :
« J’ai choisi cette entreprise parce que les consultants qui y travaillent me disaient qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement pour eux que de rester connectés jour et nuit, que les clients payaient suffisamment cher pour ça, qu’eux-mêmes étaient fort bien rémunérés et qu’ils ne voyaient pas d’autre solution que de quitter l’entreprise si cela ne leur convenait pas. »
Dans une équipe de six personnes, il a été décidé que chaque membre serait injoignable électroniquement durant une soirée par semaine, à partir de 18 heures. Tout le monde n’a pas apprécié et certains n’ont pas voulu choisir leur soir, craignant de ne pas savoir comment occuper ce temps libre.
Un filet de sécurité avait pourtant été prévu : un collègue devait lire les e-mails de la personne déconnectée. En cas de demande vraiment pressante, un contact pouvait être établi.
L’expérience a tellement bien marché qu’en quatre ans, 86% des consultants du nord-est des Etats Unis travaillant pour cette entreprise s’y sont mis, se flatte aujourd’hui Leslie A. Perlow :
la moitié de ceux qui se déconnectent ont désormais hâte de venir travailler le matin, contre 27% de leurs collègues qui ne débranchent pas ;
plus de la moitié sont satisfaits de l’équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle, contre 38% ;
65% des déconnectés jugent que leur équipe fait son maximum pour être efficace. Ce que ne pensent que 42% de leurs collègues ;
58% se voient rester dans l’entreprise à long terme, contre 40% de ceux qui n’ont pas suivi l’expérience.
Volkswagen coupe Internet
En Allemagne, ce sont les syndicats qui ont poussé Volkswagen à couper le cordon. Et pas seulement un soir par semaine. Début 2012, l’entreprise a signé un accord pour bloquer l’accès aux BlackBerry professionnels de 18h15 à 7 heures du matin, selon le Wolfsburger Allgemeine Zeitung.
Cela permet aux salariés de se connecter durant leur journée de travail et leurs trajets, une demi-heure avant d’arriver au bureau, et une demi-heure après l’avoir quitté. Pas plus.
Seuls 1 150 des 190 000 salariés de la marque en Allemagne sont concernés pour le moment. Mais c’est la première expérience d’une telle envergure en Europe.
Fin 2011, le chimiste allemand Henkel – qui fabrique le savon Fa, le dentifrice Vademecum ou la lessive Le Chat – a certes décrété une trêve des mails, mais uniquement entre Noël et le jour de l’an ;
tandis qu’Intel, en Grande-Bretagne, ou Canon, en France, ont tenté des « journées sans e-mails » ;
l’ancien ministre de l’Economie Thierry Breton, de son côté, a carrément annoncé la mort des mails dans son entreprise, Atos Origin… mais pour les remplacer par des messageries instantanées et une interface de type Facebook.
Vous êtes priés de vous déconnecter SVP
En France, les entreprises restent peu nombreuses à essayer de dépasser l’annonce marketing. En 2010, les syndicats de France Télécom ont signé un accord avec la direction, qui stipule qu’« il n’y a pas d’obligation de répondre à la messagerie professionnelle les soirs, les week-ends et pendant les congés », relatent Les Echos. L’envoi de messages différés est ainsi « recommandé pendant ces périodes ».
C’est également suite à des suicides que Thalès Avionics a réagi. Le phénomène n’avait pas pris la même ampleur que chez France Télécom, mais l’entreprise s’est inquiétée, raconte un responsable du management à Toulouse, qui préfère garder l’anonymat.
Le leader européen des équipements électroniques pour avions a donc décidé de relâcher la pression :
« La direction a rédigé une note pour rappeler le droit du travail et demander au management de surveiller strictement les heures auxquelles le salarié se connecte au réseau entreprise. Prochainement, des messages d’alertes apparaîtront sur les PC lorsque le salarié se connectera hors de l’enceinte de l’entreprise et en dehors des heures de travail (avant 7h20, après 19h30, le week-end, pendant les congés, etc.). »
Repenser la manière de travailler
La CFDT dénonçait fin avril 2012 une démarche hypocrite :
« En envoyant ces alertes, la direction pense encore se dédouaner. Nous pensons qu’elle a tort car elle a obligation de faire au moins respecter les 11 heures de repos quotidien [imposées par le code du travail, ndlr]. La direction doit prendre les mesures pour bloquer les connexions des salariés qui ne sont pas en mission ou en déplacement. »
Pour le responsable du management interrogé, tout est question de culture d’entreprise :
« Chez Thalès Avionics, les salariés ne peuvent pas pénétrer dans l’entreprise avant 7h15 le matin et après 19h30 le soir, ni pendant leurs vacances. L’accès leur est refusé.
Le vendredi est une journée sans mails par ailleurs. On va voir les collègues pour parler, on lève ses fesses.
Mais il faut surtout que les managers donnent l’exemple. Mon patron de domaine ne répond jamais à ses mails en vacances. De mon côté, j’ai débranché mes mails pro pendant mes congés. Et, dans l’année, quand un collaborateur envoie un mail à 1 heure du mat’, je vais le voir le lendemain pour lui expliquer que ça ne sert à rien. »
Même imposée, la déconnexion ne suffit de toute façon pas, prévient Leslie A. Perlow, de la Harvard Business School, qui a répliqué dans quatorze pays son expérience de soirées « unplugged ». Pour elle, la démarche vaut avant tout parce qu’elle oblige à « repenser collectivement la manière de travailler », à donner les moyens à chacun de pouvoir accomplir sa tâche sans avoir à rester branché sans limitation de durée.
A Rue89, ça fait cinq ans que l’on y pense. Nuit et jour, par tchat.
Retrouvez l’article sur le site de Rue89.