Haro sur la bureaucratisation totale

07 décembre 2015 | Emploi et Chômage, Livres

Pour l’anthropologue américain David Graeber, Mondialisation veut dire bureaucratisation.

Combien d’heures passe-t-on à remplir des formulaires ? A se débattre avec les menus à options des boites vocales ? A se perdre sur les interfaces des sites web ? Dans les années 1960 et 1970, le mot bureaucratie était omniprésent : on y consacrait des traités sociologiques, on la fustigeait dans les pamphlets, elle était au coeur des romans kafkaïens et les films satiriques. « De l’avis général, les travers et absurdités de l’existence et des procédures bureaucratiques étaient l’un des traits qui définissaient la vie moderne et, à ce titre, un sujet éminemment digne de débat. Mais depuis les années 1970, cette attention s’est singulièrement relâchée », constate David Graeber.
Pourquoi ? Pour l’anthropologue américain et économiste à la London University, la réponse est évidente : la bureaucratie n’a pas perdu de son emprise, bien au contraire. Tout simplement, nous en avons pris l’habitude. C’est sur cette discordance que porte son nouvel ouvrage, Bureaucratie : « nous n’avons plus envie de réfléchir à la bureaucratie, mais elle détermine tous les aspects de notre vie. »
BureaucratieUne entité unique pour extraire de la richesse
Pour David Graeber, nous serions même dans l’ère de la « bureaucratisation totale » : caractérisée par « la fusion progressive de la puissance publique et privée en une entité unique, saturée de règles et de règlements dont l’objectif ultime est d’extraire de la richesse sous forme de profits ». L’auteur abonde en exemples, comme quand il passe plusieurs heures au téléphone avec la Bank of America pour pouvoir consulter son compte en banque de l’étranger. Cela lui vaut des entretiens avec quatre conseillers, des renvois a des numéros inexistants, plusieurs explications de règles complexes, et ainsi de suite. L’auteur en est certain : un haut responsable de la banque s’écrierait que la banque n’y est pour rien.
« Mais je suis tout aussi certain que, si l’on pouvait découvrir comment ces réglementations ont vu le jour, on verrait qu’elles ont été rédigées par des assistants d’élus membres d’une commission des opérations bancaires et par des lobbyistes et avocats au service des banques elles-mêmes (…) Et il en irait de même pour tout, des indices de solvabilité aux primes d’assurance, aux dossiers de demande de prêts, ou d’ailleurs à la procédure d’achat de billet d’avion, à la demande de permis de plongée sous-marine ou à la tentative de commande d’un fauteuil ergonomique pour son bureau dans une université officiellement privée».
Les formalités administratives se trouveraient ainsi presque toutes dans cette zone grise : privée en apparence, en réalité structurée par un Etat fournissant le cadre juridique et coopérant avec les entreprises pour leur assurer un certain taux de profit privé.

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