Un manifeste pour lever l’omerta sur la violence en cuisine a été signé par cinq «meilleurs ouvriers de France», dont le chef des cuisines de l’Élysée. Guillaume, cuisinier et blogueur, raconte au Figaro les brimades qu’il a subies dans le cadre de son travail.
LE FIGARO. – Avez-vous déjà été victime de violences dans le cadre de votre travail ?
Guillaume. – Oui, c’est quelque chose de très banal dans notre milieu, nous nous échangeons entre nous les noms des chefs qui ont tendance à être violents. Dès mon premier stage, j’ai subi des brimades. Vous n’imaginez pas ce qui se passe en cuisine!
Cela commence par une pression continue, on me hurlait dessus dès que j’arrivais le matin, sans raison. Le chef nous donnait des coups de pied dans les jambes pour nous presser, nous insultait. Sans parler des crises de nerfs des chefs qui jettent les assiettes et ustensiles contre les murs en hurlant. Aujourd’hui, j’ai 24 ans et j’ai été témoin de ce genre de comportement dans beaucoup d’établissements, en France comme à l’étranger. Les chefs donnent parfois des coups de piques dans le dos, frappent avec une spatule en inox chauffée à blanc. Un chef brûlait même son commis avec la casserole sur les bras s’il trouvait qu’il n’allait pas assez vite! Je tiens quand même à nuancer mes propos, certains chefs sont très professionnels, et la cuisine n’est pas non plus un ring de boxe. Mais le problème existe.
Comment se fait-il que tels comportements soient tolérés, selon vous ?
Certains cuisiniers l’ont accepté, et trouvent ça normal. Quand on en parle entre nous, certains de mes amis me disent que j’ai tort de m’insurger, que c’est un rite de passage, et se résignent. Il faut aussi savoir que la cuisine est un métier très difficile, avec une immense pression, et que c’est aussi le rôle des chefs que de nous apprendre à la supporter. Certains nous rudoient un peu pour nous former mais sans dépasser les limites. Aussi, cela ne fait pas longtemps que la cuisine est un métier à la mode, que les chefs deviennent des stars, etc. La cuisine ressemble un peu à l’armée, déjà, on y emploie les mêmes mots: on parle de «coup de feu», de «brigades». Hélas, c’est aussi un milieu où l’alcool et la drogue circulent beaucoup, ce qui n’aide pas à tenir ses nerfs.
Comment pensez-vous que les choses puissent changer ?
L’initiative des cinq chefs est une bonne chose, mais c’est aussi à notre niveau que nous devons agir. Parler avec notre chef, lui dire que son comportement dépasse les limites. Ce n’est pas facile, mais souvent certains le font car ils ont eux-mêmes subi des violences et ne demandent qu’à sortir de cette spirale. J’ai une pensée pour les femmes commis, car pour elles, c’est encore plus difficile. En plus des violences classiques, elles se prennent aussi bon nombre de réflexions sexistes. Nous devons réagir quand nous sommes témoins de ce genre de propos, de violences. Soyons solidaires!
Via Le Figaro
Lire le témoignage : Violences en cuisine : parlons-en !