Travail : de la servitude à la liberté

13 octobre 2014 | Emploi et Chômage, Stress Travail et Santé

Par François Athané, Docteur en philosophie et Denis Garnier, Syndicaliste auteur
Les canaux de la servitude
La lente mais progressive emprise du management sur le travail durcit l’état de subordination où se trouve l’ensemble des salariés. Cette irradiation de la contrainte dépasse aujourd’hui, et largement, le cadre du travail.
Le stress et les nouveaux moyens de communication semblent devenir les canaux de cette irradiation. Ainsi la séparation entre l’espace public du travail et la sphère privée de la vie personnelle tend à se fondre en privant le travailleur de sa liberté, c’est-à-dire de la pleine disposition de son temps hors du travail.
Dans ce monde ainsi construit et dans lequel la compétition individuelle se substitue à l’action collective, la reconnaissance des droits s’étiole et la vulnérabilité de chacun est reléguée dans l’anormalité qui exclut.
Le stress qu’impose l’intensification du travail par la poursuite d’objectifs inatteignables, déborde largement le cadre de l’entreprise pour s’inviter dans tous les espaces de la vie personnelle et, dans des cas extrêmes, l’annihile totalement au point de ne retrouver sa liberté que dans l’acte suicidaire.
De leur côté, les nouveaux outils de la communication, (téléphone portable, mails, etc.) transbordent le domaine professionnel dans la vie personnelle du travailleur, notamment celle des cadres.
Le travailleur a un sens moral qu’il ne peut ou ne veut pas anesthésier en lui-même. Les conflits éthiques, résultant du fait que le salarié doit réaliser des actes allant à l’encontre de sa conscience professionnelle, s’accroissent en raison de cette irradiation de la contrainte.
Enfin l’absence de reconnaissance du travail bien fait, traduit par la l’ingratitude, le blocage de la rémunération, le refus de promotion ou bien encore par l’impossible expression sur le travail devient à son tour source de souffrance.
Le travailleur ; un être de droit et de besoin
Entre la reconnaissance qui légitime le travailleur et la sollicitude à son égard, l’homme au travail est à la fois un être de droit (emploi, statut, salaire, etc.) et un être de besoin (temps, ressources, repos)
Si l’être de droit est reconnu, notamment par son statut, son temps de travail, son salaire, ses congés, l’être de besoin est ignoré ou centrifugé. Il en sera ainsi tant qu’il ne pourra pas se présenter sans crainte comme un homme vulnérable. Aujourd’hui, ses fragilités sortent du cadre de l’entreprise pour être sous-traitées à des spécialistes (travailleurs sociaux, psychologues, etc.)
La souffrance au travail se trouve donc transférée dans l’espace de la vie privée. Elle tend à n’être plus l’affaire de l’entreprise, puisqu’elle est prise en charge par des spécialistes. L’entreprise n’a plus besoin de modifier son organisation, elle n’a pas besoin de faire preuve de reconnaissance et de sollicitude à l’égard de ses travailleurs, puisqu’elle permet à ces derniers de se faire soigner en dehors d’elle.
C’est l’institutionnalisation de l’indifférence.
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