L’économiste et anthropologue Paul Jorion propose de refonder la macroéconomie pour sortir de l’impasse du chômage.
Quand la pensée économique a-t-elle ramené les conflits d’intérêts entre les classes sociales au rang d’illusion? Quand la propriété privée a-t-elle disparu des manuels d’économie ? Quand la spéculation est-elle devenue un mirage ? Paul Jorion, économiste, anthropologue et chroniqueur au Monde, situe le tournant à partir des années 1870, lorsque l’économique politique opère un tournant radical pour devenir une « science » économique, qui s’épanouit sous la houlette du milieu financier. Des départements d’économie universitaires, la production de la théorie économique se déplace vers les écoles de commerce, dans la sphère d’influence des milieux financiers.
« Paradoxalement, depuis cette époque, une réflexion qui était jusque-là authentiquement de nature scientifique s’est dévoyée, singeant avec une détermination croissante les signes extérieurs de la scientificité, mais s’éloignant en réalité de plus en plus de ce qui serait une réelle démarche scientifique ». Avec un résultat malheureusement connu : personne, ou presque, ne voit se dessiner la crise de 2007, et les économistes sont incapables de proposer des solutions. Que faire ? Dans son nouveau livre Penser tout haut l’économie avec Keynes, l’économiste propose de « bâtir enfin et sans plus tarder la théorie qui fait encore défaut. N’y a-t-il rien encore d’où prendre un départ ? Si, il y a l’oeuvre de John Mayard Keynes ! ».
Un ordre monétaire international
De nombreux ouvrages ont déjà été consacrés à Keynes, foule d’économistes s’affirment aujourd’hui keynésiens, mais d’après l’anthropologue et sociologue de formation, ils n’auraient « même pas pris la peine de lire Keynes dans le texte » ou n’en auraient pas perçu les enjeux.
Le véritable Keynes serait donc, hélas, mal connu : et si l’histoire conjecturale est un terrain miné, Paul Jorion avance que si la proposition de Keynes en 1944 à Bretton Woods en faveur d’un ordre monétaire international avait été adoptée, « nous ne serions pas dans la situation inextricable où nous sommes aujourd’hui plongés : nous aurions progressé pendant soixante-dix ans déjà sur la voie inscrite dans son projet de pacification des relations économiques entre les nations et, au sein de celles-ci, entre leurs citoyens ».
Le titulaire de la chaire « Stewardship of Finance » à la Vrije Universiteit Brussell propose alors de ressusciter Keynes, non pas pour critiquer sa pensée, plutôt pour la dépasser. « Mon but avec le présent livre, c’est de compléter pour les temps qui sont les nôtres l’oeuvre de Keynes sur certains points, de découvrir les endroits où il existe en son sein des erreurs ou des lacunes flagrantes et m’efforcer d’y remédier ».
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