Cultiver son esprit critique face au bullshit, à la « novlangue managériale » et aux recettes miracles

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Un triple constat : le règne du bullshit, de la « novlangue » et de l’« happycratie » dans les organisations

Un questionnement qui s’estompe : bullshit et stupidité fonctionnelle

En 2013, l’anthropologue David Graeber jette un pavé dans la mare en théorisant les « bullshit jobs » ou « jobs à la con » dans un article paru dans Strike! Magazine.

Avec ce nouveau concept de « bullshit jobs » (littéralement « boulots de merde de taureau »), Graeber (2013) souhaite dénoncer l’explosion de tous ces emplois du tertiaire qui paraissent d’autant plus inutiles et dérisoires qu’ils sont bien rémunérés.

Son article fera le tour du monde et sera traduit dans près d’une quinzaine de langues en à peine quelques semaines.

David Graeber sortira ensuite (2018) un livre au même titre que l’article, où il ira plus loin dans l’examen de ce phénomène.

bullshit jobs

Dès les premières pages, il explique :

« Certes, j’ai conscience que cet argument va immédiatement soulever des objections : “qui êtes-vous pour dire quels sont les emplois réellement “nécessaires” ? D’ailleurs, qu’est-ce que ça veut dire, “nécessaire” ? Vous, vous êtes professeur d’anthropologie : qui a “besoin” de ça ? (De fait, il est probable que ma profession soit la définition même d’une dépense sociale injustifiée aux yeux de beaucoup de lecteurs de tabloïds.) En un sens, évidemment, ce n’est pas faux, puisqu’il ne saurait y avoir de mesure objective de la valeur sociale. Je ne me permettrais pas de contredire quelqu’un qui serait persuadé d’être essentiel à la marche du monde. Mais qu’en est-il des gens qui sont eux-mêmes convaincus que leur travail ne rime à rien ? » (Préface)

Dans sa revue de lecture, Ghislain Deslandes professeur à l’ESCP Business School, partage :

« Just do it, ne serait-il pas devenu non seulement le slogan d’un équipementier sportif mais plus encore le modus operandi de nos entreprises ? C’est ce qu’avancent dans un essai récent non traduit en français “The Stupidity paradoxe” deux auteurs influents dans les études contemporaines en gestion Mats Alvesson et André Spicer. Dans ce livre, ils dénoncent un phénomène de stupidité fonctionnelle qui correspondrait selon eux, malgré les déclarations de principes des entreprises, toujours friandes de parcs scientifiques, de zones d’innovation ou de cluster de connaissances, à une inclination visant à réduire le champ de vision des collaborateurs. La stupidité fonctionnelle atteint son paroxysme lorsque chaque agent se montre capable de faire son job mais sans jamais poser la moindre question sur sa raison d’être. »

Dans son ouvrage L’entreprise contre la connaissance du travail réel ? « L’humain d’abord » ou le syndrome du sacrifié en premier (2023) Ibrahima Fall, docteur en sciences de gestion de l’Ecole des Mines de Paris, met en lumière un « effondrement du questionnement dans les entreprises » (p. 19 à 97).

L'entreprise contre la connaissance du travail réel ? "L'humain d'abord" ou le syndrome du sacrifié en premier par Ibrahima Fall

Il décrit un « management de marché » dans les organisations « qui ne repose pas sur le réel du corps social (…) mais dans les attentes d’un marché dont la logique n’est qu’économique. »(p. 24)

Concurrence dévorante oblige, la course à l’innovation pour la compétitivité, la productivité et la rentabilité devient le moteur des entreprises, voire la condition de survie.

Le manager devient le dernier maillon d’une hiérarchie aussi complexe que pressante. Son management est institutionnel et se caractérise par l’omniprésence de procédures.

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