Émettre des réserves : un intérêt considérable pour l’employeur !

06 septembre 2018 | Dans la Loi

Droit de la protection sociale. Carnet de veille des étudiants en master 2 « Droit de la protection sociale » de Lille.

Note sous arrêt : Cass. civ. 2, 10-03-2016, n° 15-16.669, F-P+B. Par Alexandra FATERMANN, Etudiante en Master 2 Droit de la protection sociale
Mots clés : réserves motivées/ enquête/ contradictoire/ inopposabilité
 Les employeurs sont soumis à nombre d’obligations, notamment en ce qui concerne la gestion des accidents du travail. Notamment, dans une telle situation,e nombreuses formalités sont à effectuer, dont l’obligation de déclarer l’accident du travail auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) dans les 48 heures, sous peine de sanctions. Lors de cette déclaration, l’employeur a la possibilité d’émettre des réserves. Mais celles-ci doivent être motivées.
Lorsque les réserves sont formulées, cela entraine soit l’envoi d’un questionnaire, soit l’envoi d’un agent de la CPAM au domicile de l’assuré pour effectuer une enquête. Il appartient à la CPAM de procéder à une enquête de façon contradictoire sous peine de voir sa décision déclarée inopposable à l’employeur.
La Cour de Cassation s’est prononcée, dans un arrêt du 10 mars 2016, sur l’obligation de mener l’enquête de façon contradictoire. En effet, la décision de prise en charge de l’accident du travail ne peut être opposable à la société ayant émis des réserves dès lors que la caisse ne l’a pas contactée pour recueillir ses observations. Dans cette affaire, la société avait déclaré un accident du travail en émettant des réserves sur l’origine professionnelle de l’accident. Elle a contesté devant la juridiction de Sécurité sociale l’opposabilité de la décision de prise en charge rendue le 12 mai 2011, après enquête, par la caisse primaire d’assurance maladie. La cour d’appel accède à sa demande et déclare la décision de la caisse inopposable à l’employeur. La caisse forme alors un pourvoi en invoquant que les mesures d’instruction envisagées à l’article R. 441-11, III du Code de la Sécurité sociale en cas de réserves motivées de l’employeur, c’est-à-dire l’envoi de questionnaires ou l’organisation d’une enquête, n’ont pas à être menées contradictoirement.  En vain.
En énonçant le principe susvisé, la Haute juridiction rejette le pourvoi au motif que “la société Sarp Centre-Est n’a pas été contactée par l’inspectrice de la caisse pour recueillir ses observations, que ce soit de vive voix ou par questionnaire ; Que de ces constatations, la cour d’appel a exactement déduit que la décision de prise en charge de l’accident du travail survenu le 31 janvier 2011 n’était pas opposable à la société Sarp Centre-Est ”.
Cet arrêt de la Cour de Cassation rappelle que les réserves émises par l’employeur entraînent obligatoirement une enquête contradictoire et que le non-respect de cette formalité entraine l’inopposabilité de la décision de la CPAM.

I – L’obligation de mener une enquête de manière contradictoire

L’employeur, lors de la déclaration d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et lorsqu’il a des doutes sur le caractère professionnel, peut émettre des réserves.  L’article L441-11 du code de la sécurité sociale lui attribue cette possibilité en affirmant que « la déclaration d’accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l’employeur ».
Toutefois, l’employeur doit prendre garde puisque celles-ci doivent être motivées, depuis un décret du 29 juillet 2009 applicable aux AT et MP entré en vigueur à partir du 1er janvier 2010 qui a modifié la procédure d’instruction des caisses primaires d’assurance maladie (1).
Un arrêt de la Cour de Cassation du 23 janvier 2014 (2) précise ce que sont les réserves motivées. Les magistrats estiment qu’il s’agit de toute contestation du caractère professionnel de l’accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. La notion de réserves ne peut donc porter que sur les circonstances de temps et de l’accident ou sur l’existence d’une cause étrangère. La Cour de Cassation est constante en la matière (3).
En l’espèce, l’employeur a bel et bien émis des réserves. Ceci a pour conséquence l’envoi par la caisse “avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle d’un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.” Dès lors, la caisse devait soit mener une enquête soit envoyer un questionnaire à l’employeur et à l’assuré. Or, en l’espèce la société SARP CENTRE EST n’a aucunement été associée à l’enquête réalisée par la caisse primaire d’assurance maladie. L’inspectrice assermentée chargée de l’instruction, n’a entendu aucun représentant de la société, que ce soit de vive voix ou par l’intermédiaire d’un questionnaire. Le principe du contradictoire énoncé clairement dans l’article R 441-11 n’a donc pas été respecté. En effet, il énonce qu’“ en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.” Le mot le plus important est “et” ce qui implique bien que ce questionnaire doit être envoyé aux deux parties. Le respect du contradictoire est très important puisque cela permet d’instaurer un certain équilibre entre les parties. De ce principe découle une obligation d’information. En effet, à la suite de cette instruction du dossier menée contradictoirement, la caisse est censée inviter les parties à consulter le dossier, tel qu’indiqué dans l’article R441-14 du code de la sécurité sociale (4). Est alors mise à l’honneur l’obligation d’information.
Or, en l’espèce ce n’est pas le cas, on considère donc qu’il y a un vice de procédure, ce qui entraîne l’inopposabilité de la décision de la CPAM à l’employeur.

Lire la suite, « L’intérêt pour l’employeur d’émettre des réserves »,  sur le site https://m2dsplille.hypotheses.org/

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