La rupture conventionnelle est un mode autonome de rupture du contrat de travail qui a été mis en place il y a maintenant 11 ans (en 2008).
Cette rupture conventionnelle a été totalement dévoyée, les statistiques le démontrent, à la suite d’une rupture conventionnelle, beaucoup de salariés ne retravaillent pas car ce sont pour beaucoup des salariés seniors en fin de carrière qui signent des ruptures conventionnelles.
J’avais écrit sur cette rupture conventionnelle et sur le dévoiement de cette dernière qui permet à certains employeurs d’évincer des salariés de manière sécurisée et sans motifs et à certains salariés de ne pas démissionner et d’être indemnisés par le Pôle Emploi (l’UNEDIC aujourd’hui). Voir à ce titre mon billet « Les dangers de la rupture conventionnelle ».
La rupture conventionnelle a été présentée comme une sorte de divorce à l’amiable, une rupture sans mésentente qui permettrait au salarié de quitter l’employeur pour se tourner vers d’autres projets et à l’employeur de pouvoir recruter un autre salarié en étant sécurisé puisque cette rupture peut être contestée durant un an et sur le fondement des vices du consentement.
Cette rupture conventionnelle a été totalement dévoyée, les statistiques le démontrent, à la suite d’une rupture conventionnelle, beaucoup de salariés ne retravaillent pas car ce sont pour beaucoup des salariés seniors en fin de carrière qui signent des ruptures conventionnelles.
Une étude de la DARES a été publiée. Elle analyse les ruptures conventionnelles de 2008 à 2012, il en ressort :
– plus d’un quart des fins de CDI de salariés âgés entre 58 à 60 ans est une rupture conventionnelle ;
– en 2012, le nombre de rupture conventionnelle s’est élevé à 320.000.
Par ailleurs, les salariés qui parviennent à négocier d’intéressantes indemnités de ruptures conventionnelles sont les cadres qui perçoivent des salaires élevés, une autre étude de la DARES a été publiée à ce sujet : Quels salariés parviennent à négocier leur indemnité de rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle est par conséquent une rupture favorisant les employeurs plus que les salariés sauf les cadres qui semblent tirer leur épingle du jeu en négociant une indemnité supra légale, le plus souvent à l’aide de leur avocat car les négociations de ruptures conventionnelles dans l’encadrement sont très fréquentes en effet.
On peut s’interroger, la rupture conventionnelle est-elle incontestable ? Est-ce qu’il est judicieux de signer une telle rupture qui ne pourra pas être remise en cause en justice ?
I- La rupture conventionnelle : une rupture qui au fil du temps a été sécurisée au seul profit de l’employeur.
La Cour de cassation a rendu différents arrêts relatifs à la rupture conventionnelle.
Lorsque cette rupture a été mise en œuvre, beaucoup d’avocats pour l’annuler, invoquaient le contexte conflictuel de cette rupture qui était incompatible avec son caractère amiable.
La Cour de cassation a considéré qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue dans le cadre d’un contexte conflictuel : « Mais attendu que, si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. » [1]
Puis, pour contester la rupture conventionnelle, certains avocats considéraient qu’elle ne pouvait avoir lieu pendant une suspension du contrat de travail, un arrêt maladie. Contre toute attente, la Cour de cassation a considéré comme valide, une rupture conventionnelle conclue durant un arrêt maladie. Dans un arrêt du 30 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue durant une suspension du contrat de travail, si le consentement du salarié est libre et éclairé.
Dernièrement, la Cour de cassation a même admis qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue avec un salarié inapte suite à un accident du travail en l’absence de vice de consentement ou de fraude, arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale 9 Mai 2019. Cette décision est critiquable, surtout qu’une circulaire en 2008 alertait les DIRECCTE sur les ruptures conventionnelles conclues dans le cadre d’inaptitudes médicales considérant qu’elles seraient frauduleuses.
Ce n’est que dans de très rares cas que la Cour de cassation a invalidé une rupture conventionnelle, Elle exige du salarié de démontrer un vice de consentement, par exemple des violences morales dans le cadre d’un harcèlement moral [2], ou encore qu’il présentait des troubles de la mémoire et de l’attention ainsi qu’un état dépressif sévère au moment de la signature de la rupture conventionnelle ce qui l’a empêché de réfléchir et d’avoir un consentement éclairé [3]. Le fait de ne pas avoir été informé du montant des allocations chômage que le salarié percevrait peut entraîner l’annulation de la rupture conventionnelle [4]
Je devrais indiquer pouvait entraîner l’annulation car de plus en plus de ruptures conventionnelles sont accompagnées d’un formulaire d’information mentionnant que le salarié a été informé du montant des allocations chômage qu’il percevra.
Il y a la possibilité d’invoquer des irrégularités de forme, deux arrêts de la Cour de cassation semblent exiger que le formalisme soit strictement respecté :
– Arrêt du 3 juillet 2019 de la Cour de cassation, Chambre sociale par lequel la Cour de cassation précise que sous peine de nullité de la rupture conventionnelle, la rupture conventionnelle doit être signée en trois exemplaires.
– Arrêt du 3 juillet 2019 de la Cour de cassation, Chambre sociale par lequel la Cour de cassation exige de l’employeur de prouver que le salarié a bien reçu le formulaire de rupture conventionnelle.
En outre, la Cour de cassation a également rappelé que l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien. [5]
En conclusion, la Cour de cassation est très permissive, on peut presque écrire “que tout passe”, la rupture conventionnelle étant quasiment inattaquable, les vices du consentement ou la fraude devant être démontrés par les salariés ce qui relève du domaine de l’impossible !
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