La loi santé apporte de profonds changements aux services de santé au travail qu’elle renomme et dont elle transforme les missions et le fonctionnement. Les services interentreprises sont aussi modifiés, de même que les missions de médecin du travail et d’infirmier au travail.
Service de santé au travail : un nouveau nom et de nouvelles missions
Le service de santé au travail est renommé en service de prévention
et de santé au travail. Objectif : mettre la prévention primaire au cœur
de notre système de santé au travail.
Les services de prévention et
de santé au travail n’ont plus pour mission exclusive d’éviter toute
altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail même si
cela reste leur mission principale.
Ils contribuent désormais également à la réalisation d’objectifs de santé publique afin de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi.
La loi précise aussi qu’ils :
- apportent leur aide à l’entreprise, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ;
- apportent des conseils sur l’amélioration non plus seulement des conditions de travail mais de la qualité de vie et des conditions de travail en tenant compte le cas échéant de l’impact du télétravail ;
- accompagnent l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’analyse de l’impact sur les conditions de santé et de sécurité des travailleurs de changements organisationnels importants dans l’entreprise ;
- participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap au travail, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
Chaque service de prévention et de santé au travail (autre que les services interentreprises assurés par un groupement ou organisme distinct de l’établissement employant les travailleurs bénéficiaires de ce service), doit toujours faire l’objet d’un agrément par l’autorité administrative, pour une durée de cinq ans.
Pour assurer l’ensemble de leurs missions, les services de prévention et de santé au travail peuvent, par convention, recourir aux compétences des services de prévention et de santé au travail interentreprises. La même règle est prévue en sens inverse.
Par ailleurs, afin de lutter contre la désinsertion professionnelle, une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle est créé dans les services de prévention et santé au travail (voir notre article « Prévention de la désinsertion professionnelle : de nouveaux dispositifs vont être mis en place » ).
Notez également que le calcul des cotisations aux services de prévention et santé au travail a été revu. Une distinction est désormais faite entre :
- les services communs à plusieurs établissements ou à plusieurs entreprises constituant une UES : les frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés comptant chacun pour une unité ;
- les services de prévention et de santé au travail interentreprises pour lesquels une double tarification est prévue.
Services de prévention et de santé au travail interentreprises : offre de services, certification et publicité
Composition
Les auxiliaires médicaux disposant de compétences en santé au travail
peuvent désormais faire partie de l’équipe qui assure les missions des
services de prévention et de santé au travail interentreprises.
Les médecins du travail peuvent désormais déléguer l’animation et la coordination de l’équipe.
Offre de services
Le service de prévention et de santé au travail interentreprises va désormais devoir fournir à ses entreprises adhérentes et à leurs travailleurs un ensemble socle de services. Ce socle doit couvrir l’intégralité des missions des services de santé au travail en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle dont la liste et les modalités sont définies par le comité national de prévention et de santé au travail (nouvelle instance créée par la loi santé) ou à défaut, passé un certain délai, par décret.
Il peut également leur proposer une offre de services complémentaires qu’il détermine. Attention En cas de dysfonctionnement grave de ce service, l’autorité administrative peut procéder à des injonctions (mesures de réorganisation, mesures individuelles conservatoires, etc.). Si ça ne suffit pas pour remédier aux manquements, elle peut désigner un administrateur provisoire.
Certification obligatoire
Chaque service de prévention et de santé au travail interentreprises va devoir faire l’objet d’une procédure de certification, réalisée par un organisme indépendant, à l’aide de référentiels qui seront fixés par décret au plus tard le 30 juin 2022. A compter de son entrée en vigueur, les services de prévention et de santé au travail interentreprises disposent d’un délai de deux ans pour obtenir leur certification. Pendant ce délai, les agréments arrivant à échéance peuvent être renouvelés.
Obligation de publicité et rapport annuel
Le service de prévention et de santé au travail interentreprises communique à ses adhérents ainsi qu’au comité régional de prévention et de santé au travail (nouvelle instance créée) certaines informations (offre de service, montant des cotisations, etc.). Il doit également les rendre publics.
Le directeur du service de santé au travail interentreprises va désormais rendre compte des actions approuvées dans un rapport annuel d’activité qui comprend des données relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Médecins du travail : exercice des fonctions et rôle
Un diplôme spécial est obligatoire pour l’exercice des fonctions de médecin du travail mais il existe des dérogations. La loi en ajoute une nouvelle au plus tard au 1er janvier 2023 : un médecin praticien correspondant, disposant d’une formation en médecine du travail, peut contribuer, en lien avec le médecin du travail, au suivi médical des travailleurs, à l’exception du suivi médical renforcé au profit d’un service de prévention et de santé au travail interentreprises.
Concernant leur rôle, une expérimentation pour 5 ans dans 3 régions volontaires pourra être menée pour autoriser les médecins du travail :
- à prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail ;
- à prescrire des soins, examens ou produits de santé strictement nécessaires à la prévention de l’altération de la santé du travailleur du fait de son travail ou à la promotion d’un état de santé compatible avec son maintien en emploi. Cette prescription est subordonnée à la détention d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires ou à la validation d’une formation spécialisée transversale en addictologie, en allergologie, en médecine du sport, en nutrition ou dans le domaine de la douleur.
Un décret doit venir en fixer les modalités. Rappel Un médecin du travail ne peut normalement pas prescrire d’arrêt de travail. A titre dérogatoire jusqu’au 30 septembre 2021 un médecin du travail peut prescrire, voire renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou suspicion d’infection au Covid-19.
Par ailleurs la loi santé supprime l’obligation, pour le médecin du travail, d’établir un rapport annuel d’activité qui comporte des données présentées par sexe.
Autre changement : la répartition du temps de travail des médecins du travail figure désormais dans la partie législative du Code du travail. Le médecin du travail consacre à ses missions en milieu de travail le tiers de son temps de travail. Il participe aux instances internes de l’entreprise et aux instances territoriales de coordination au cours des deux autres tiers de son temps de travail.
Notez également que le médecin du travail a un meilleur accès au dossier médical partagé (voir notre article « Dossier médical partagé et dossier médical de santé au travail : ce que la loi santé change »)
Infirmiers de santé au travail : missions précisées
Les missions de l’infirmier de santé au travail sont définies. Pour être recruté dans un service de prévention et de santé au travail, il faut être diplômé d’État ou disposer de l’autorisation d’exercer sans limitation. Il faut également disposer d’une formation spécifique en santé au travail définie par décret ou y être inscrit par son employeur au cours des 12 mois qui suivent son recrutement ou avant le terme de son CDD.
Les tâches qui sont déléguées à l’infirmier de santé au travail prennent en compte ses qualifications complémentaires. L’infirmier de santé au travail assure les missions qui lui sont dévolues ou déléguées par le médecin du travail Notez-le L’obligation de formation entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 mars 2023. A cette date, les infirmiers inscrits à une formation sont par dérogation réputés remplir l’obligation de formation pendant 3 ans.
L’ensemble des mesures décrites dans cet article, sauf celles pour lesquelles des dates autres ont été mentionnées, entrent en vigueur au 31 mars 2021.
Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, Jo du 3, art. 1, 7, 11,12, 13,14, 21, 31,32,33, 34,35
Par Anne-Lise Castell, Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
Via le site https://www.editions-tissot.fr